Le dormeur du val

Arthur Rimbaud
Sebastian Abbo, Le dormeur du val, 2023
Sebastian Abbo, Le dormeur du val, 2023. Gravure édition limitée disponible dans notre Galerie d’Art


C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud, octobre 1870

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209 commentaires sur “Le dormeur du val”

  1. Rambo

    dit :

    L’art de décrire un tableau sinistre et triste avec tendresse romanesque. C’est un poème que je n’ai jamais lu auparavant mais dont je connaissais très bien le titre. Bizarre, me diriez vous ! En fait, on avait un instituteur qui trouvait du plaisir d’appeler un de nos camarades de classe par dormeur du val, parce que le pauvre ne pouvait guère s’empêcher de somnoler pendant les cours ! Eh toi dormeur du val, monte au tableau !

  2. DÉSIRÉE J-Pierre

    dit :

    Suis né le 27/11/48 « Dit Papy  » (76 piges). Ce poème m’a marqué à vie. De temps en temps je le récite par cœur pour sa beauté et la nostalgie de mes années CM1. Il en est de même que Océano Nox. Cela frappe le cerveau d’un enfant toute sa vie, et lui rappel tous le courage qu’à eu nos aïeules de nous avoir sauvé…

  3. Rafa

    dit :

    Je pense que Sardou y fait référence dans deux de ses chansons : Rouge et Vincent

    En tout cas en les écoutant, un passage de chacune de ces chansons me fait penser à ce poème de rimbaud.

  4. Romain

    dit :

    Ce poème est très beau il n’ y a rien à dire. Il est magnifique.

  5. Myriame

    dit :

    Je le fait avec ma classe en ce moment. La fin est triste mais c’est un beau poème qui me fait froid dans le dos. Je préfère le lire dans le calme sans mes camarades de classe.

  6. Le BG

    dit :

    Ce poème est très beau. Par contre il est compliqué à apprendre, en cm2.

  7. Berard

    dit :

    J’adore le relire, appris en collège, poème très connu, c’est vrai, qu’il a écrit très jeune. Très beau poème !

  8. Quoicoubeh

    dit :

    C’est un très joli poème qui procure des émotions excessives d’après Wael.

  9. mathilde

    dit :

    Beau poème

  10. Nathan Paul

    dit :

    Moi aussi je l’apprends en CM2

  11. michel vidalenche

    dit :

    J’avais appris le dormeur du val en 1960 et je l’ai récité le soir du réveillon ce 31 décembre 2023 auprès d’amis qui parlaient philosophie il dégage une telle humanité qu’il resté en souvenir comme la référence de la poésie qu’il est agréable et nécessaire d’offrir à nos petits enfants.

  12. Souhail

    dit :

    Je l’ai appris sans savoir ce que ça veut dire en cm2.

  13. michel chevalier

    dit :

    Exceptionnel. Il faut que tous les élèves en âge de le comprendre l’étudient… et l’apprennent par coeur.

  14. bg

    dit :

    Beau poème

  15. Pierre-Louis CHARVET

    dit :

    Bonjour, j’ai essayé de mettre en musique ce magnifique poème, en essayant de coller à l’époque…

    https://youtu.be/GbACwL0tV7Q

  16. Clarence le boss

    dit :

    J’ai beaucoup aimé ce poème

  17. Karol Vatain

    dit :

    J’ai appris cette poésie en CM1 et j’avais été très touché par la mort de ce jeune soldat. À cette époque nous avions un cahier de poésie avec des pages de dessin. En l’honneur de ce jeune soldat je m’étais appliqué à faire un très beau dessin aux crayons de couleur.

    De nos jours quel enseignante pourrait demander à des élèves de 9 ans à apprendre cette poésie et à la comprendre?

    Il y a 50 ans les enseignantes avaient une vocation sans limite. Nous sortions de CM2 avec des bases de français que des terminales ignorent.

  18. Bir

    dit :

    Mon professeur de français en 1ere nous faisait remarquer que ce poème est écrit « comme un travelling ».
    J’aime particulièrement ce poème.
    Il est très beau, très émouvant et plus accessible que
    « Le bateau ivre » que j’aime aussi, même si je ne comprend pas tout!
    Réponse à Mary Line,
    Je connais deux poèmes qui sont en relation avec « Le Dormeur du Val ». Un poème italien du poète Guiseppe Ungaretti « Veglia » et un poème du poète néerlandais Bertus Aafjes, intitulé « De Laatste Brief » (La Dernière lettre »)J’ espère que vous pouvez les trouver sur internet.
    Salutations poétiques.

  19. Franck

    dit :

    Mon professeur de français en 1ere nous faisait remarquer que ce poème est écrit « comme un travelling ».

  20. colin

    dit :

    Super poème

  21. Navez

    dit :

    Je l’ai appris quand j’avais 15 ans, j’en ai 65 mais tellement beau que je ne l’ai jamais oublié.

  22. Symphorien mukoka

    dit :

    Beau poème

  23. Hunot Jacques

    dit :

    Je pense que ce n’est pas « dans son lit vert » mais « sur son lit vert ».

  24. Kane

    dit :

    Ah si tous les profs étaient comme Lucenthos ! Merci ! Magnifique analyse !

  25. jean-vincent

    dit :

    On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
    Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
    Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
    On va sous les tilleuls verts de la promenade…

    MAGNIFIQUE !

  26. Fiore Alberte

    dit :

    Un grand merci, Lucenthos, pour cette admirable étude du poème « Le dormeur du Val » de Rimbaud.

    J’aurais tellement mieux apprécié la poésie si mes enseignants (d’une époque lointaine) avaient fait d’aussi constructives études de texte, comme nous disions en 1970.

  27. TCHALA

    dit :

    Bien et cool

  28. Carl Rabineau

    dit :

    Je l’ai eu au DS en 2nde c’était une très belle poésie. Quel poète ce Rimbaud !

  29. Jazz Lacourt

    dit :

    J’ai appris cette poésie quand j’étais en CM2 et ça m’évoque beaucoup de souvenirs parce-que j’étais à Provence à Marseille

  30. Pierre Quentel

    dit :

    En plus d’être magnifique par la chute tragique, le dernier vers est bizarre, pour arriver aux 12 pieds de l’alexandrin il faut prononcer « Tranquille. Il a deux trous / rou-jeu-zau côté droit »…

  31. Lehna

    dit :

    Je suis au collège et j’avais appris ce poème en CM1. Actuellement, je suis vice-championne de poésie et j’adore ce titre. Ca me remonte les souvenirs du CM2 parce que je ne suis plus dans le même collège de mes copines et voila Arthur Rimbaud est super cool comme disent les jeunes.

  32. Pascale

    dit :

    J’avais 8 ou 10 ans quand mon institutrice nous a lu le Dormeur du Val pour nous présenter la prochaine poésie à apprendre. J’ai alors pleuré, pleuré comme jamais à la tristesse insondable de ce texte. Très humiliant, quand on est si jeune et que personne (personne, sauf l’institutrice) ne comprend. Près de 40 ans plus tard, ce texte, pourtant si beau, me révulse encore…

  33. Ronan Plantec

    dit :

    En sixième ou en cinquième j’avais le choix d’apprendre moi-même un poème en cours de français. J’ai choisi ce poème en écoutant mon frère m’en parler qui l’avait précédemment appris. Je l’ai appris en sixième ou en cinquième. « Il a deux trous rouges au côté droit. » Le dormeur du val d’Arthur Rimbaud.

  34. Peter

    dit :

    Trop belle la poésie…

  35. Pascal Gendreau

    dit :

    Toutes mes félicitations et un grand merci à « Lucenthos » pour sa magnifique analyse de ce chef d’oeuvre de notre littérature. Ah, comme j’aimerais redevenir lycéen pour écouter vos cours de lettres. Que dis-je, les déguster !

  36. Stephane Chopinet

    dit :

    L’émotion me gagne toujours à la lecture de ce magnifique écrit.

  37. Martine M

    dit :

    Ce poème pour moi a été à la fois une merveilleuse découverte car il commence on peut dire, »gentiment » et de l’autre une horreur. Oui l’horreur de la guerre. Cette fin me hante encore à soixante huit ans ; « il a deux trois rouges au côté droit »

  38. Lucenthos

    dit :

    Sur ce site dont j’apprécie les choix littéraires, je fais parfois un commentaire de poèmes connus ou moins connus, commentaire en général assez long parce qu’il s’adresse en priorité à l’attention d’étudiants qui, d’après leurs propres remarques sur ce site et ailleurs, paraissent démunis devant certains textes. Mes commentaires sont assez libres, ils ne suivent pas nécessairement les méthodes habituelles enseignées avec profit dans les établissements scolaires, notamment du point de vue de la prosodie et de la rhétorique poétique. Le but est de sensibiliser l’étudiant(e) qui cherche à voir plus clair dans un texte qui ne lui parle pas immédiatement, à une observation plus précise d’une écriture qui peut paraître d’emblée comme une langue étrangère.

    Selon ma lecture, qui n’enlève rien à la profondeur, à la beauté singulière de ce poème juvénile d’Arthur Ribaud ni à sa portée déjà hautement symbolique et, contrairement à l’explication que l’on en donne souvent, je n’y vois pas trop un suspens progressif dont l’aboutissement serait l’imprévisible chute au dernier vers. Pareille interprétation a pu induire parfois une façon « scolaire » de lire ou de dire le poème comme une « récitation » à effet final garanti. Bien sûr, on peut avoir de ce texte si original par sa complexité cachée, une autre approche que la mienne.

    Le premier quatrain décrit un « petit val ». L’expression est charmante et tout un vocabulaire de la nature : « verdure », « rivière », « herbes », « soleil », « montagne », « rayons » dépeint un lieu qui, à première vue, semble paisible et charmant. Mais on relève que le jeune poète a instinctivement pris soin d’écrire non pas un nid, un lit ou un creux de verdure mais plus prosaïquement « un trou » de verdure .Cela peut surprendre dès l’abord.

    Qu’à cela ne tienne, la rivière chante, cela pourrait être de bon augure pour une scène bucolique, cependant l’eau qui ruisselle sur l’herbe dessine non pas d’aimables entrelacs mais des « haillons d’argent ». On doit être attentif en poésie plus qu’ailleurs aux mots employés même et surtout quand ils sont combinés à d’autres dans des métaphores surprenantes. « Haillons d’argent » en est une superbe et audacieuse qui anticipe le futur virtuose des rapprochements de mots les plus imprévus que sera le Rimbaud du Bateau ivre, mais ici il fait plus que suggérer un joli mouvement de l’onde sur l’herbe avec des réseaux miroitants, il veut aussi, en même temps, créer une ambiance, une atmosphère qui n’est pas si sereine que l’on pourrait croire au premier chef. Dans ce sens, on remarquera que le terme haillon connote aussi chiffon, loque, oripeau et charpie et cela fait déjà comme une petite déchirure dans ce décor qui paraissait radieux.

    En réalité, on a, dès l’essor du poème, deux séries terminologiques contraires, l’une visant à donner une impression de sérénité champêtre avec les mots verdure, rivière, herbes, argent, soleil, montagne, val, rayons, cresson bleu, nue, vert, lumière glaïeuls, qui sont autant d’ingrédients propres à l’évocation d’un coin de nature avenant et les verbes d’action chanter, luire, mousser qui participent à cette présentation d’une nature vivante.
    L’autre série regroupe, verbes et noms confondus : trou, accrocher, haillons, pâle, malade, froid … qui indiquent un autre type d’évocation : la nature est belle certes mais elle recèle aussi de pièges et comporte des aspects moins rassurants.
    Tout au long du poème ces deux séries de termes opposés vont alterner ou se combiner, et ce mélange savant d’apparente sérénité et d’inquiétude larvée, va produire une impression de malaise grandissant. Suivant la sensibilité de chacun la préférence ira dans un sens ou l’autre…

    Dans ce décor peu banal, le deuxième quatrain nous montre un personnage étendu sur l’herbe et immédiatement identifiable par son apparence physique, son uniforme, c’est « un soldat jeune. ». Les appelés avaient en général une vingtaine d’années lors de la conscription en 1870 et Rimbaud qui a environ seize ans quand il écrit « Le dormeur du val », se sent sans doute très proche de celui qui est « étendu » dans ce fossé herbeux. Que fait-il là, loin de ses quartiers ? Se serait-il éloigné de son régiment ? Perdu au cours d’une manœuvre ? Est-ce un troupier épuisé qui s’accorde un moment de repos après une action guerrière ? Est-il Français ou Prussien d’ailleurs ? Rien ne permet de le préciser. Sans parti pris, c’est un soldat, un homme qui par temps de guerre est tenu de se battre et d’exposer sa vie… Or, à cette époque la France est en guerre. Le poème a été écrit en octobre 1870, peu après la bataille de Sedan opposant l’armée de Napoléon III à l’armée prussienne et tout près de Charleville où vivait Rimbaud. Il a pu voir des scènes directement ou des photos de scènes de guerre accablantes…

    L’attitude de ce soldat isolé est étrange. Sa « bouche ouverte » et sa tête dépourvue d’un képi ou d’un casque réglementaires, surprennent… Cette posture n’est pas normale. De plus, on voit qu’il a « la nuque baignant dans le cresson bleu », autrement dit, la tête à fleur d’eau… Ce n’est pas la position d’un vrai dormeur.

    (On s’est beaucoup ingénié à identifier de quelle espèce botanique était ce cresson bleu… Tout ce dont on est sûr c’est qu’elle est aquatique. Appelons le cresson des poètes et laissons-le pousser dans l’imaginaire poétique…)

    Pour compléter la position peu coutumière de ce « dormeur », on remarquera au premier tercet qu’il a également « Les pieds dans les glaïeuls », une plante également aquatique, autrement dit, il est quasiment dans l’eau de la tête aux pieds, pas submergé mais trempant sur une rive qui déborde un peu, en tout cas très humide. Il est par conséquent en un lieu peut être charmant mais peu propice à une éventuelle sieste, d’autant que la période n’est pas de celles où de pacifistes soldats peuvent gambader, la fleur au fusil… Toujours dans la hâte à symboliser, ce terme,« glaïeuls », conduit parfois à penser que les plantes ainsi appelées de nos jours, avec leurs feuilles gladiolées et donc très martiales d’aspect, donnent déjà une note funeste à la scène, d’autant plus qu’elles servent souvent à faire des gerbes mortuaires… Or cette espèce, chère aux fleuristes et aux cérémonials officiels, est une variété opulente qui ne pousse pas au bord des rivières ou dans les marais. Plus vraisemblablement, plus modestement et plus poétiquement aussi, Rimbaud pourrait désigner par le terme glaïeuls les iris sauvages à fleur jaune qu’autrefois l’on nommait aussi glaïeuls et qui poussent en bord d’eau. Le Littré de l’époque 1872-1877 affirme d’ailleurs ceci : « On désigne aussi sous le nom de glaïeul deux espèces du genre iris : le glaïeul des marais, iris pseudo-acorus et le glaïeul puant, iris foetidissima » cqfd.

    Quoi qu’il en soit, toute cette description, contribue à engendrer un certain trouble qui va croître. On pourrait en effet présumer que le soldat dort, qu’ « il fait un somme ». Le verbe dormir est employé trois fois dans le texte. Cette répétition ponctue le poème de façon lugubre. C’est comme un deuxième rythme plus long sous jacent à celui des alexandrins, une suite de points d’orgue qui suspendent l’attention et suggèrent le pire, ce que confirme d’ailleurs la suite :

    « Pâle dans son lit vert où la lumière pleut ». Ce très beau vers mérite une attention particulière car il exprime beaucoup de choses, son sens est surdéterminé. L’adjectif « Pâle » accentue l’impression de malaise et commence à ôter le doute, si jamais il y en avait un, sur le véritable état du « dormeur ». Ce « lit vert », l’herbe qui aurait pu être une couche accueillante, devient d’abord un lit de malade dans lequel semble reposer un souffrant anémié, peut être même exsangue…De la nue, nuée, nuage, (le ciel n’est donc pas bleu et serein !) … « La lumière pleut » ! Cet étrange et très original oxymore en dit long. Ce n’est pas un bain de soleil vivifiant qui réchaufferait un être transi. Symboliquement non seulement le dormeur est comme noyé dans l’élément liquide sur la rive mais, de plus, d’en haut tombe une lumière qui pleut. Ce n’est donc plus tout à fait une lumière. Cette lumière qui pleut fait penser à une lumière qui pleure, ce sont des larmes de lumière et cela participe au sentiment de tristesse qui s’impose désormais.

    Au premier tercet le personnage semble sourire mais « comme sourirait un enfant malade » ce n’est donc pas le sourire de la vie. Les vers suivants préparent l’image du berceau « Nature, berce-le » qui lui-même anticipe la tombe selon le raccourci proverbial souvent utilisé « du berceau à la tombe ».Tout cela signifie ouvertement que l’homme n’est plus sensible, plus conscient. Pourrait-on croire qu’il est encore vivant malgré cette disposition, cette immobilité, cette pâleur ? De plus l’expression « il a froid » fait plus que suggérer qu’il n’est plus vivant, on ne peut être dupe, c’est le froid de la mort. MC Solaar qui est un vrai poète moderne y faisait référence dans son single de 1995, « La concubine de l’hémoglobine » dans lequel il chantait : « Le dormeur du val ne dort pas / Il est mort et son corps est rigide et froid ». Quant à l’émouvante exhortation par laquelle il est demandé de bercer « chaudement » le dormeur qui a froid, elle à toute la force d’une invocation aussi pieuse que pudique à la Mère-Nature afin qu’elle reprenne un de ses enfants dans son sein.

    Le dernier tercet assume sans surprise la révélation de ce que l’on pressentait : plus de sensibilité, plus de souffle « Les parfums ne font pas frissonner sa narine », puis « Il dort ». Ce troisième et dernier tintement de glas marque l’ambivalence du fait que la mort est souvent comparée à un sommeil. Toutefois, il dort « dans le soleil », il est à noter qu’il n’est pas dit « au soleil », cela donne une autre dimension à la scène comme si maintenant le personnage était dans une gloire, mot qui a aussi le sens de lustre, éclat lumineux comme on dit « La gloire du couchant ». C’est une lumière inhabituelle qui auréole le soldat mort comme si toute la nature l’enveloppait d’un profond hommage funèbre. Dans cette lumière presque surnaturelle on peut le voir maintenant « Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change », comme dira quelques années plus tard Stéphane Mallarmé à propos d’Edgar Poe. « La main sur la poitrine » c’était peut-être son dernier geste, geste d’abandon et de résignation qui lui donne une contenance digne et respectable.

    Après le rejet du mot « Tranquille » qui au début du dernier vers, maintient ce sentiment de dignité du soldat défunt, la notation finale que l’on a souvent considérée comme une chute exemplaire, ne révélant qu’au tout dernier moment le triste état du jeune conscrit tombé trop tôt aux champs d’honneur, n’est pas si abrupte, vu tout ce qui précède et qui a déjà suggéré l’état irréversible dans lequel se trouve le personnage. Mais il fallait tout de même le formuler nettement. Je verrais plutôt dans ce magnifique poème si bien composé, une sorte de progression par laquelle on comprend assez vite que le soldat est mort jusqu’à ce que cela soit exprimé par le détour d’une périphrase flamboyante qui ne l’énonce pas platement mais de façon tellement plus forte que tout autre formulation : « Il a deux trous rouges au coté droit »

    Ce dernier vers est non seulement la confirmation, s’il en était besoin, de ce dont on se doutait mais surtout il met en évidence que ce n’est pas une mort normale car il est l’image d’une blessure fatale d’autant plus tragique et inacceptable qu’elle résulte de la cruauté des actions de guerre que le jeune Rimbaud dénonce en prenant le lecteur aux tripes. Au total, par cette succession de temporisations, de suggestions ménagées tout au long du texte, Rimbaud adolescent, lui même blessé et révolté contre la terrible signification de la scène dont il se remémore ou qu’il imagine, pousse dans le même refus de l’intolérable, celui d’une jeune vie fauchée dans la fleur de l’âge. Du même coup, il nous entraine dans le désaveu de l’odieuse réalité de la guerre de 1870 dont il fut contemporain et probablement aussi dans la condamnation de toute guerre…

  39. Marie -Émilie

    dit :

    Ce poème est très très joli et puis ça remémore les temps d’avant

  40. Jean

    dit :

    C’était en 1870, pendant la guerre entre Napoléon III et Bismarck… Ce soldat est-il prussien ou français ? Qu’importe ! Rimbaud ne voit que l’horreur de la guerre. En cette période de Noël 2022, ayons une pensée pour cette Ukraine meurtrie !

  41. Gicquel

    dit :

    Un poème magnifique j’ai appris en CM2 et qui m’a marqué.

  42. Thierry

    dit :

    J’ai appris ce magnifique poème au CM2. La beauté de la nature et l’horreur de la mort. Aujourd’hui, c’est ma fille qui l’apprend, et moi qui le redécouvre. Je suis heureux que cette superbe poésie ne tombe pas dans l’oubli.

  43. Yves

    dit :

    Magnifique

  44. Jordan bardella

    dit :

    Je trouve que ce poème est une sublime représentation sur la terrible réalité qui est la mort. Ecrit seulement à 16 ans. C’est un chef’d’oeuvre

  45. Éric Zemmour

    dit :

    Génial écrit par un auteur de talent

  46. Puech

    dit :

    Écrit alors qu’il n’avait que 16 ans !

  47. Jenny

    dit :

    Je suis en train de l’apprendre, elle est vraiment trop génial. Un peu dure mais super émotive ! Très beau poème.

  48. Jules

    dit :

    On l’apprend à l’école.

  49. Molnar

    dit :

    L’illusion du sublime pour voiler l’horreur de la mort. Voir la fonction de première mort chez Lacan dans la jouissance mélancolique.

  50. EG

    dit :

    Une belle allusion au dormeur du val de Rimbaud dans la chanson de Sardou « Rouge ».

  51. Leo

    dit :

    Pour ceux qui ne connaissent pas, je vous conseille d’écouter Serge Reggiani le lire, en prologue du déserteur : très très beau.

  52. Sultan

    dit :

    Comme Jean-Claude, qui a deux ans de plus que moi, j’ai dû apprendre ce poème à 11 ans au Lycée Montaigne.

    Quels sont les élèves qui l’apprennent encore en 2022 ?

  53. Wuest

    dit :

    Je trouve que c’est un des plus beau poème de la langue française selon moi avec « Chanson d’automne » de Verlaine. On a l’impression que Rimbaud a inventé le principe de la « caméra avant » car en lisant le poème on est au cinéma. C’est puissant, de construction géniale. Rimbaud est un pur génie

  54. Jean-Claude

    dit :

    J’ai appris ce poème, j’avais 11 ans. Après une seule lecture, je le connaissais par cœur ! Il m’a fait « monter » les larmes aux yeux, oui, les larmes aux yeux à 11 ans ; aujourd’hui, j’en ai 75, je me le « récite » souvent, très souvent et toujours une grosse grosse « boule » qui m’inonde de nostalgie…

  55. Angela

    dit :

    C’est bien mais dans ma classe je l’apprends. Je dois la réciter et elle est un petit peu compliquée à apprendre par cœur.

  56. Julien

    dit :

    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut… Quelle beauté !

  57. Schwaller

    dit :

    J’ai 80 ans et j’ai appris cette poésie il y a environ 70 ans. Emotion car toujours d’actualité en ce 1er mai 2022. Hélas…

  58. Loulou

    dit :

    Ce poème reflète de façon très belle la mort d’un soldat à la guerre. On comprends tout à fait les atrocités de la guerre, c’est magnifique. C’est maintenant mon poème préféré !

  59. Al!x

    dit :

    Bonjour, pourriez-vous me dire que signifie les termes « cresson bleu » et « haillon d’argent » ? Voila, merci d’avance…

  60. P Girardin

    dit :

    Guerre de 1870 dans les Ardennes vue par Rimbaud. Tableau de Édouard Detaille : « Fantassins dans un chemin creux, fragment du panorama de la Bataille de Champigny sur Marne » (1882-1883). Paris, musée de l’Armée, legs Detaille, 1920.

  61. Héloïse Bouriah

    dit :

    J’ai découvert ce poème il n’y a pas très longtemps et depuis c’est l’un de mes poème favories.

    #dédicasse à mon père qui n’a pas arrêté de me parler de ce poème.

  62. argjea

    dit :

    @Emile Zola
    Ce passage est une métaphore, les haillons d’argent sont en fait des goutes d’eau ruisselant dans la rivière s’étalant sur le gazon l’environnant

  63. Philippe cambon

    dit :

    Je suis sans cesse bouleversé par l’intensité de ce poème; ballotté par cette dualité intranscriptible de la beauté et de la puissance des éléments, la nature humaine, éphémère et celle qui nous anime, supposée intemporelle.

  64. Françoise BERNARD

    dit :

    2022 et heureux d’apprendre que ma petite fille en CM2 apprend ce beau poème.

  65. Guy COËDIC

    dit :

    Magnifique, tout simplement.

  66. sasuke

    dit :

    Cool

  67. Jean Tadkozh

    dit :

    A Sylvette BOISNARD
    Ma « Doué »…vous m’avez fait « gouelan dourek » (bien « chialer » en Français…)
    Nous avons fréquenté les mêmes bancs d’école, à la même époque, époque où le vouvoiement était d’usage. Bien que dans ce lointain temps, garçons et filles avaient leur école « dédiée », à la sortie de classe, le tutoiement était de mise. Permettez-moi donc, ma bonne Sylvette, de faire comme si nous sortions de classe : de te tutoyer.
    Ta Maman était institutrice. La mienne lingère et bien que ne connaissant pas Rimbaud, elle connaissait par cœur cette récitation tant elle me l’avait fait apprendre….née en 1914 elle nous a quittés en 2018 et se souvenait toujours du « dormeur du val ».
    Ah nos instituteurs…! Le mien, nommé sous la IIIème République, sans doute encore un peu qualifiable de « hussard noir de la République », serait bien malheureux de nos jours.
    « Gast » (cri du coeur, intraduisible décemment…), qu’est-ce qu’elle était belle cette poésie !
    Dis-moi Sylvette, en CM2 à cette époque ?? Il me souvient de la 7ème, la classe juste avant de partir pour « l’école de la grande ville »
    Bien à toi ma « classe »

    Jean

  68. rochagne

    dit :

    Si vous aimez Rimbaud, dimanche allez écouter « Rimbaud », la magnifique chanson d’Allain Leprest pour le dixième anniversaire de sa disparition

  69. Jeremy

    dit :

    C’est vraiment bien…

  70. I.L

    dit :

    Il est fait en 1854-1891, c’est bien ça ?

  71. Mazzo René

    dit :

    Pour comprendre la magie de ce poème, il faut d’abord se rappeler qu’il a été écrit par un élève de 15/16 ans. C’est comme avec Mozart: on sent le génie d’emblée, et tout au long de l’œuvre! Cet enfant, qui a déjà lu tout Hugo et Baudelaire, maîtrise les règles de la prosodie parfaitement.

    Le sonnet est impeccable techniquement. Et il y a une maestria dans la construction :

    – description, jusqu’au dernier vers, baignant dans une sorte de réalisme romantique, d’un jeune homme, encore enfant ou presque, qui dort dans une nature idéale: « un trou de verdure qui mousse de rayons », plus loin « où la lumière pleut ». Les trouvailles d’images sont saisissantes, par exemple, cet oxymore de la lumière qui tombe comme une pluie.

    – jusqu’à la chute, qui survient en coup de théâtre: cet enfant qui dort dans une nature paisible et harmonieuse est en réalité un soldat mort, un enfant qui ne respire plus! Et ceci est dit de façon subtile, annoncé comme une énigme à déchiffrer : « il a 2 trous rouges au côté droit » La description poursuit celle de la nature, la mort étant intégrée dans un tableau clinique, et sans commentaire macabre, des symptômes.

    Cette révélation tombe sur le lecteur comme un choc car celui-ci comprend soudainement que ce tableau apparent d’une vie luxuriante et exubérante est aussi celui de la mort. On voit déjà chez l’auteur du poème une profonde réflexion et compréhension de la réalité!

  72. Lisa farsac

    dit :

    Franchement pas ouf #surcoté

  73. flor

    dit :

    Ce poème est si symbolique avec plusieurs indices… il est très significatif.

  74. EmileZola

    dit :

    Je ne comprends rien au passage sur les « Haillons d’argent », quelqu’un peut m’éclairer ?

  75. didier

    dit :

    Ce poème est un de mes préféré avec Verlaine « je fais toujours ce rêve étrange et pénétrant… » et Baudelaire « Ho mort vieux capitaine, il est temps levons l’ancre… » Comment les poètes font ils pour trouver des mots aussi justes et touchants?

  76. Delfolie

    dit :

    Sublime

  77. loulou

    dit :

    C un poème de ouf!

  78. Domi

    dit :

    La lumière et l’émotion est totale

  79. Domi

    dit :

    Les mots sont des pinceaux surréalistes, le frais ruisseau, la douce verdure, le rouge vif mélange d’émotion et de lumière, la plume magique, l’émotion est totale.

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