Ô Lou, ma très chérie

Guillaume Apollinaire

Ô Lou, ma très chérie,
Faisons donc la féerie
De vivre en nous aimant
Étrangement
Et chastement

Nous ferons des voyages
Nous verrons des parages
Tout pleins de volupté,
Des ciels d’été
Et ta beauté !

Mes mains resteront pures
Mon cœur a ses blessures
Que tu me panseras
Puis dans mes bras
Tu dormiras

Par de jolis mensonges,
Des faux semblants, des songes
Tu feras qu’éveillé
Ait sommeillé
Émerveillé

Ce cerveau que je donne
Pour ta grâce, ô démone,
Ô pure nudité
De la Clarté
Du pâle été.

Ainsi, j’évoque celle
Qui te prendra ma belle
Par l’Art magicien
Très ancien
Que je sais très bien :
Les philtres, les pentacles
Les lumineux spectacles
T’apportent agrandis
Les paradis
Les plus maudits.

Nous aurons, je te jure,
Une volupté pure
Sans ces attouchements
Que font, déments,
Tous les amants

Et purs comme des anges
Nous dirons les louanges
De ta grande beauté
Dans ma Clarté
De Pureté.

Douce, douce est ma peine !
Ce soir je t’aime à peine
Mon cœur, fini l’hiver !
Il vient d’Enfer
Du feu, du fer.

J’ai charmé la blessure
De cette bouche impure !
Aime ma chasteté,
C’est la Clarté
De ta beauté.

Courmelois, le 14 avril 1915

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou

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