La fumée de la cantine

Guillaume Apollinaire

La fumée de la cantine est comme la nuit qui vient
Voix hautes ou graves le vin saigne partout
Je tire ma pipe libre et fier parmi mes camarades
Ils partirons avec moi pour les champs de bataille
Ils dormirons la nuit sous la pluie ou les étoiles
Ils galoperont avec moi portant en croupe des victoires
Ils obéiront avec moi aux mêmes commandements
Ils écouteront attentifs les sublimes fanfares
Ils mourront près de moi et moi peut-être près d’eux
Ils souffriront du froid et du soleil avec moi
Ils sont des hommes ceux-ci qui boivent avec moi
Ils obéissent avec moi aux lois de l’homme
Ils regardent sur les routes les femmes qui passent
Ils les désirent mais moi j’ai des plus hautes amours
Qui règnent sur mon coeur mes sens et mon cerveau
Et qui sont ma patrie ma famille et mon espérance
À moi soldat amoureux soldat de la douce France

Nîmes, jour de Noël 1914

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou

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