Frisson d’hiver

Emile Nelligan

Les becs de gaz sont presque clos :
Chauffe mon coeur dont les sanglots
S’épanchent dans ton coeur par flots,
Gretchen !

Comme il te dit de mornes choses,
Ce clavecin de mes névroses,
Rythmant le deuil hâtif des roses,
Gretchen !

Prends-moi le front, prends-moi les mains,
Toi, mon trésor de rêves maints
Sur les juvéniles chemins,
Gretchen !

Quand le givre qui s’éternise
Hivernalement s’harmonise
Aux vieilles glaces de Venise,
Gretchen !

Et que nos deux gros chats persans
Montrent des yeux reconnaissants
Près de l’âtre aux feux bruissants,
Gretchen !

Et qu’au frisson de la veillée,
S’élance en tendresse affolée
Vers toi mon âme inconsolée,
Gretchen !

Chauffe mon coeur, dont les sanglots
S’épanchent dans ton coeur par flots.
Les becs de gaz sont presque clos…
Gretchen !

Emile Nelligan

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2 commentaires sur “Frisson d’hiver”

  1. Joseph Jacob

    dit :

    Mais qui était Gretchen! ??
    Sa soeur, une femme idéalisée….

    Merci d’avance pour votre réponse.

    Bien à vous

  2. Carle jacques

    dit :

    Magnifique texte: une douceur verlainienne, un chant magnifique et discret, intimiste. Un décor luxueux qui rappelle les palais de Baudelaire. Une pointe « sollicitatrice », maladive et fragile… supplique un peu désabusée en même temps. quel grand poète. Merci, les « grands cousins » de nous offrir en ligne, de si beaux morceaux de belle littérature!

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