Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.
René-François Sully Prudhomme, La vie intérieure
Notre mère aux yeux clairs, si amoureuse des yeux bleus immenses de notre père, trop peut-être, avait accroché ce poème que tous deux adoraient, au dessus de son lit où désormais plus jamais son amour parti pour toujours, ne dormirait. C est elle qui les a fermés, alors qu ils éclairaient tant sa vie! Plus jamais cette lumière ne vint illuminer ses jours excepté lorsqu’elle retrouvait dans nos yeux, à nous ses onze enfants, les bleu et éclat du regard de notre père… Alors, elle souriait presque heureuse de le retrouver ainsi et enfin quelques instants seulement! Il est parti très tôt, et dans son malheur, n’a pas vu les yeux de notre jeune soeur se fermer à leur tour! Ceux de notre mère se sont à leur tour éteints peu de temps après, à force de pleurer cette enfant si chère et son amour de toujours! J’aime la nuit parfois réciter ce merveilleux poème appris par coeur sans même m ‘en rendre compte. Cela me fait du bien, et ensuite calme et paisible je m endors et rêve d’azur, de mer et d’amour éternel.
Je regrette de n avoir pensé à glisser dans le tombeau de nos parents ce poème si cher à leurs yeux fermés à jamais, mais qui pourtant regardent peut-être encore leurs enfants, découvrant leur très nombreuse descendance aussi?!
La mort telle qu’on se l’imagine n’existe pas… On change de nature nos âmes sont éternelles… Ou éther n’Ailes
Poeme joliment mis en musique par le compositeur suisse Gaël Liardon (disponible sur youtube)
Ce serait top beau si les yeux qu’on ferme s’ouvrent à une immense aurore….Comme ça on pleurerait moins les êtres qu’on aime… Et qui ne sont plus…
Vous souvenez vous de l’hommage rendu à Sully Prudhomme par Pagnol faisant citer à monsieur Brun un poème sur la chaise vide quand les amis se retrouvent pour une partie de cartes après la mort de Panisse..?
J’adore l’agencement des idées, une plume qui vaut son pésant d’or. Le poète meurt, mais ces oeuvres démeurent.
A chaque fois qu’arrivait un nouveau « CHEZ-NOUS » O.S.E. maison -Œuvre de Secours aux Enfants- après la 2ème guerre mondiale, devions pour être admis par les anciens enfants déjà présents « chanter »quelque chose. Je me suis excusée en disant que je ne savais pas chanter- mais réciter un poème je le pouvais. Et là devant nous tous : rescapés de la Shoah le POÈME si intense, si vrai, si beau et lumineux je récitais… -Bleus ou Noirs des yeux sans nombre ont vu l’aurore ils dorment au fond des tombeaux et le soleil de lève encore …Les yeux qu’on ferme voient encore. —
Le 17 juillet 2022 à Chartres au Square Jean Moulin à la journée Nationale de Commémoration des Justes de France parmi les Nations le JUSTE poème ressurgit et voit ENCORE-
Hommage à Jannina Filippi et à tous les amis perdu à nos yeux mais toujours dans notres coeurs.
Sublime poème. Le poète a construit son texte en fonction de la mort en établissant un lien entre les yeux et la mort. Finalement, c’est la vie qui triomphe.
Ce qui est très bien dans tous ces commentaires c’est que ces souvenirs viennent de l’enfance. On enseigne bien que ce qu’on aime, hélas les professeurs qui aiment la poésie se font rares.
Il me semble que ce poème est inscrit sur sa tombe au Père Lachaise ou j’ai eu la chance de tomber sur sa sépulture… et j’ai découvert le poète et l’écrivain et aussi ce poème sublime.
Magnifique poème cela me donne des frissons tellement c’est vrai !
Ce poème est le plus beau dont je me souvienne. Hommage à madame Bourgeois, institutrice à l’école Pasteur de Melun.
Grâce à ce poème je suis devenue poétesse… Dans ma jeunesse, j’ai dû l’analyser pour réussir mon examen d’entrée à l’école normale. Que de beaux souvenirs!
Ai découvert dans un florilège, Poèmes d’Amour… C’est magique… Depuis, il me poursuit…
Simplement sublime ! Que d’émotions !
Simplement sublime !
Lu et appris en 5ème, jamais oublié depuis: une merveille d’émotions.
Juste sublime avec son autre poème « le vase brisé »
Beaucoup d’émotion. Ici, l’âme vibre. Ce poète oublié mérite mieux : qu’on le réhabilite. Les ombres conjuguées de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud l’ont écrasé.
J’aime ce poème depuis mon enfance bien lointaine!
Est-il possible d’entendre ce poème sans verser une larme ?