La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?
Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!
Charles Baudelaire
Un type sirote une binouze à la terrasse d’un troquet. Il s’emmerde un peu. Il regarde les passants. Soudain, une femme du monde apparaît. La beauté est montée sur vérin. Tout y est; les gambettes, la chute de reins, les quinquets, la démarche de gazelle. Elle a des manières de bêcheuse car elle sait qu’elle belle. Elle est attifée comme pour aller à une messe enterrement. Tellement belle la gonzesse que le mec, il la reluque des pieds à la tête et comme une bonne majorité de mecs, il pense des trucs à pas dire. A un moment, leur regard se croise. Pas besoin de faire un dessin. La fille, pas née de la dernière pluie, à lu dans le regard du type. Un éclair et paf!… Trop tard, elle est déjà barrée. Le type replonge le nez dans son verre.
Et vas-y que j’te tartine une analyse à la noix !… Toujours des casse-bonbons! Certains commentaires « pseudo-intello » ont la faculté de tuer l’émotion et le rêve.
Dominique, passe passe passe le oinj de la dualité métaphysique et spiritualo-cartésienne. Que j’en tire deux trois lattes simili-existentielles ! En regardant passer les jolies filles, nous ferons ainsi dialoguer nos rêves respectifs. On en restera à nos zéros du départ, mais en ayant dessiné une plus grande tête à poème. Bien cordialement
Je m’adresse à Dominique Mareau venant de lire son époustouflant commentaire… De deux choses l’une… ou bien c’est pour imiter la prose du « bobo » pédant qui ne fait que se gratter le ventre ? Et bravo pour la trouvaille…! Ou bien ce verbiage est mûrement pensé par son auteur et alors là… hélas il se donne l’air de comprendre Baudelaire tout à l’envers…!
Avez-vous remarqué la métaphore phallique vers 2 ? Non, je ne crois pas, non !
Il parle intensément de la dualité temporelle où l’intense fugacité du rêve magnifique se conjugue avec la longue déception du réel. Son génie est de comprendre que l’équilibre ou l’harmonie d’un humain tient dans la bonne gestion entre la part de rêve et la part du réel. Cette dualité est née de celle qui existe en physique fondamentale, entre l’impossible attracteur du zéro absolu et l’unique solution réelle, faite de zéros relatifs, issus de la parfaite symétrie entre deux entités contraires qui s’équilibre.
J’aime assez cette dichotomie entre le caractère fugace de la passante (qui littéralement et figurément « fuit ») et celui de pérennité que lui confère l’image de « statue ». Tout se passe comme si la passion qu’elle suscite dans le coeur du poète ne peut jamais être saisie en soi, qu’en dépit d’un appel à la contemplation (la « douceur qui fascine ») et donc à l’éternité, il y a une inexorable fuite en avant. On pourrait y voir une mise en récit de la déception poétique quand l’objet d’une passion, d’une inspiration artistique ne peut jamais être saisi ex abrupto, dans son essence précisément fugitive ; une oeuvre ne peut que signifier son catalyseur, le représenter (figurativement) sans pourtant en restituer adéquatement la présence.
Je n’aime pas
Quel beau poème que nous offre une fois de plus notre Cher Baudelaire ! Oui Thierry, on se rappelle forcément cette jolie chanson de Brassens « les passantes » qui est aussi à l’origine un magnifique poème d’Antoine Pol, dont on ne parle pas assez.
Ce poème d’édaphiques a fait un autre choix que je ne peux pas me faire à manger mais il n’y a pas du mal aimer ça.
Ca me rappel ma douce maman qui aimait venir me voir dans ma chambre les soirs avant de me coucher: la belle vie❤️
Quel poète. Le talent ne ment pas! Je me rappelle avoir étudié ça en seconde il y’a 4 ans.
Honnêtement, le début pas ouf mais après je me suis ré-ga-lé.
Georges Chelon l’a mis en musique.
C’est super bien j’adore. Je le lis tous les jours quand je me sens mal.
Vraiment… Ce poème est un grand incontournable des œuvres de Baudelaire car il est dans : « Les Fleurs du Mal »
Comment ne pas aimer la poésie de Baudelaire? Tout y est simple et limpide et reflète exactement les pensées de ceux qui ont vécu de telles rencontres au cours de leur vie. Rencontre furtives, sans lendemain avec des regrets éternels.
Ce poème me rappelle « Les gnocchis » de Maxime Georges
La fin est extrêmement triste comme la femme s’éloignant de Baudelaire
Ce poème est magnifique. Il nous apprend beaucoup. Je le relis chaque jour.
Ce poème nous offre une vision du monde plus qu’étonnante. Cela me rappelle lorsque j’abordais cette femme d’une beauté époustouflante sans voir que c’était ma mère. Sacré soirée.
C’est seulement en l’étudiant avec des élèves que je me suis rendu compte qu’on retrouvait (avec la diérèse) « tueuse » dans les deux mots à la rime : majes-tueuse / fas-tueuse, « tue » dans la seconde strophe… Ce qui colle bien avec le portrait de la femme… C’est un génie pour cacher de petits éléments comme ça !
« toute ma vie est là » aurait dit Cyrano. Miracle et mystère insondable du poème qui en disant l’indicible, parvient à saisir l’insaisissable de ces quelques secondes d’éternité que compte une vie humaine. Bien au delà du « souvenir », des « images », c’est parce qu’il nous « saisit » au sens littéral du terme, par nos sens qu’il nous fait vraiment REVIVRE à chaque lecture. Comme la musique à chaque écoute, le tableau à chaque visite… L’art nous rapelle ainsi toujours à l’essentiel. C’est donc tout sauf un divertissement ! Au sens littéral, c’est même… tout le contraire…
Pas mal
je le lirai ou plutôt je le dirai ce soir en public pour la nuit de la lecture. Ce poème, me donne à chaque fois des frissons. Sublime ! Il y a tout, du désir, de l’envie et de la tristesse de ce qui aurait pu advenir et qui ne sera pas…
Tant d’exquise fragilité. Après ce poème, je me sens comme un gros caillou qui tombe sur un parterre de porcelaine.
Personne n’a fait le parallèle avec « les passantes » , cette magnifique chanson de Brassens, qui fait la suite de ce beau poème de Baudelaire.
Si bien vu, si bien rendu
A mon avis, dans ce poème de Baudelaire la rue le premier élément géographique représente la conception d’un logement pour le poète : une maison où la vie quotidienne s’écoule dans un champ référentiel. Et cette passante ne me semble que sa mère si loin de poète…
Rien a dire. Il est parfait
J’aime bien ce magnifique poême et aussi le joli poême de Marguerite en réponse à ce de Charles Baudelaire ! ❤️
Ce poème est extrait des « Fleurs du mal ».
Charles Pierre Baudelaire connaissait cette femme qui passait auparavant? Puisqu’il a pu faire le portrait moral de la femme. Avant de faire le portrait de quelqu’un il faut connaître cette personne d’abord.
De quel recueil vient ce poème ?
Trés joli poeme… J’adore
Charles Baudelaire, une plume hermétique mais inégalable en terme de Poésie ! Pour moi, Baudelaire, lui-même, est une fleur du mal !
Ma parole; Baudelaire avait une plume surnaturelle!
Sublimissime! Magnifique!
Il fait parti des meilleurs poètes.
j’adore ce poeme moi aussi
C’est simplement magnifique… et triste… Je ne me lasse pas de le lire et relire!
Je trouve ce texte magnifique, de part la notion de fugacité de la femme. Très joli poème !
Profondément passionnant dans ses vers ! Ce poème ne laisse pas de marbre.
C’est magnifique !
quelle tristesse
Un de mes poèmes de Baudelaire préférés, qui me fait toujours songer à « Mon rêve familier » de Verlaine d’ailleurs…
Belle poésie
Un sonnet qui exprime bien un moment marquant sur le moment, mais que l’on sait qu’il sera fugace, après…C’est là tout son talent.
le silence était assourdissant,
Je marchais l’âme dans mes pensées,
Noir était le ciel dans mon coeur vibrant,
l’odeur de la mort me poursuivait..
Il pleuvait et,ma jupe trainait froissée,
Des flaques comme des claques me mouillaient la peau,
En relevant ma jupe ,il était là,il me regardait.
L’inconnu debout contre l’arbre avec son chapeau.
Quel grand homme .. quel talent ! Un de mes préférés ce poème-là, Baudelaire c’est juste LA référence en matière de poésie, je l’admire. <3
quel « flash » !
Baudelaire l’incontestable; merci pour ses efforts admin.