Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n’est resté
Pas une dentelle d’été,
Pas une cravate commune ;
Et sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n’est resté de trace, aucune,
Pas un souvenir n’est resté.
Seule au coin d’un rideau piquée,
Brille une épingle à tête d’or
Comme un gros insecte qui dort.
Pointe d’un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.
Germain Nouveau, Premiers poèmes
Je ne comprends pas les commentaires, anciens, redondants, qui veulent que ce poème soit faible, et qui sous ce motif en écartent une paternité rimbaldienne. Hypnose du vague à l’âme encore amoureuse, envie pour ce qu’il en reste de finir ici, j’y vois pour ma part sans effort la marque du météore brûlant sous tous ses feux. Je préfère une autre version (je la dis de tête, pardon pour la ponctuation hasardeuse) :
Des nuits du blond et de la brune
Rien dans la chambre n’est resté
Pas une dentelle d’été
Pas une cravate commune,
Rien sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n’est resté de trace aucune
Pas un souvenir n’est resté.
Au bord d’un rideau piquée
Luit une épingle à tête d’or
Comme un gros insecte qui dort
Pointe d’un fin poison trempé
Je te prends. Soit moi préparée
Aux heures des désirs de mort.
…étrange en effet la « paternité » d’un texte lorsque deux poètes ont positionné leurs inspirations et leurs jours en un même mouvement, et ne serait-ce pas là le sens de ce poème, qu’il ne reste rien de matériellement tangible mais que, en attente d’une dose infinitésimale de contact entre deux humains, la poésie est le poison et le contre-poison ?
Sur le plan stylistique, impossible que ce texte soit de Rimbaud. Plutôt de la plume de Germain Nouveau, dont les vers sont le plus souvent didactiques et convenus.
Ce poème sans autographe se trouvait dans les manuscrits de Rimbaud remis à Verlaine. Ce dernier a toujours attesté qu’il était d’Arthur bien qu’écrit faiblement. C’est pourquoi on le trouve dans les premiers recueils publiés de Rimbaud. Delahayee l’ami d’enfance à Charleville a attesté de son côté que Germain lui avait confirmé que ce poème était de Rimbaud. C’est André Breton qui l’attribue à Nouveau ce qui est fort invraisemblable.
Il y a quelque chose de Rimabladien dans ce magnifiqiue poème onirique. Il semblerait que Nouveau et lui l’aient composé de concert.