Émail

José-Maria de Heredia

Le four rougit ; la plaque est prête. Prends ta lampe.
Modèle le paillon qui s’irise ardemment,
Et fixe avec le feu dans le sombre pigment
La poudre étincelante où ton pinceau se trempe.

Dis, ceindras-tu de myrte ou de laurier la tempe
Du penseur, du héros, du prince ou de l’amant ?
Par quel Dieu feras-tu, sur un noir firmament,
Cabrer l’hydre écaillée ou le glauque hippocampe ?

Non. Plutôt, en un orbe éclatant de saphir
Inscris un fier profil de guerrière d’Ophir,
Thalestris, Bradamante, Aude ou Penthésilée.

Et pour que sa beauté soit plus terrible encor,
Casque ses blonds cheveux de quelque bête ailée
Et fais bomber son sein sous la gorgone d’or.

José-Maria de Heredia, Les Trophées

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4 commentaires sur “Émail”

  1. Gilmaire

    dit :

    J’adore ce poème voilà 70 ans que l’institutrice nous l’avait fait apprendre, il est resté entier dans ma mémoire.

  2. Adrien

    dit :

    Ce poème décrit la fabrication d’un bijou émaillé et les choix de décors inspirés par la mythologie et l’histoire ancienne qui s’offrent à l’artisan : hydre ou hippocampe chevauchés par un dieu (comme Poseidon probablement). Bradamante et Aude sont des figures de femmes preuses médiévales (Aude est la femme de Roland si je me souviens bien), Penthesilee fut reine des Amazones et c’est donc une autre référence aux femmes guerrières qui pourraient être immortalisées par le bijou.

    La dernière strophe imagine la parure de cette guerrière avec un casque décoré d’un cimier en forme de bête ailee et une cuirasse (qui « bombe son sein ») décorée de la tête de la gorgonne Méduse comme celle d’Athena (notamment déesse de la guerre et de la stratégie et souvent représentée en armes).

  3. Gauthier

    dit :

    J’ai beau lire, et relire ce poeme, je n’en comprends toujours pas le fond. Est ce que quelqu’un pourrait m’expliquer s’il vous plait?

  4. Marinez

    dit :

    Surabondance de références à la mythologie grecque (« d’Ophir,
    Thalestris, Bradamante, Aude ou Penthésilée »). Caractéristique de cette « élite » d’enfants (de bourgeois) ayant mangé du latin et du grec ancien pendant des années.
    Mais il y a bien plus crypté (à force d’érudition ancienne) que Hérédia.

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