Les Effarés

Arthur Rimbaud

Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond

A genoux, cinq petits, -misère!-
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…

Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.

Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.

Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,

Quand, sous les poutres enfumées
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,

Quand ce trou chaud souffle la vie;
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,

Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre,
-Qu’ils sont là, tous,

Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,

Mais bien bas, -comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,

-Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
-Et que leur lange blanc tremblotte
Au vent d’hiver…

Arthur Rimbaud, Recueil de Douai, 1870

Imprimer ce poème

18 commentaires sur “Les Effarés”

  1. colette roux

    dit :

    Ce poème est comme un tableau : les mots en sont les couleurs… j’adore

  2. Luzalalpbd’ardeche

    dit :

    Ce poème de tombeau m’émeut énormément, il me remémore mon enfance, le temps qui passe ou encore l’école primaire et mon premier amour. Quel poète ce Rimbaud !

  3. Carpentier.sylvie

    dit :

    Poème très émouvant, je me surprend à lâcher une petite larme de nostalgie. Cela me rappelle les oeuvres d’Emilien Leleu à l’époque qui me faisait pleurer à chaque lecture…

  4. Djema Gleitz

    dit :

    Magnifique poème

  5. Fellah

    dit :

    Magnifique poème appris à l’école primaire. Et comme beaucoup d’autres instituteurs, le notre avait changé le mot « culs » avec le mot dos…

  6. Le fou de la street

    dit :

    Très beau poème

  7. Beaucourt

    dit :

    Comme bcp d’autres j’ai appris ce poème à l’école primaire mais notre institutrice avait changé le mot « culs » par le mot « dos » et nous ne l’avions pas appris en entier.

    C’est le seul dont je me souvienne car il est très émouvant et imagé.

  8. Djayson

    dit :

    Rimbaud reprend le même thème et nous fait découvrir une scène de la misère des rues de Paris. Le poème en octosyllabes de 12 strophes avec alternance rythmique de vers de quatre pieds nous décrit cinq jeunes enfants de la rue en prise avec le froid et l’injustice de la société.

  9. Mignot

    dit :

    Très jolie poème même si j’ai dû le lire à mon insu !

  10. Carpentier

    dit :

    Un poème qui me fait penser à « la petite marchande d’allumettes »

  11. Daniel GARDE

    dit :

    J’ai déjà mis en musique des texte de Rimbaud (Sensation- Le dormeur du val) et je m’apprête à finir celui-ci. Généreux textes de l’adolescent. J’ai plaisir à retrouver cette version ici, celle que j’ai mise en musique, car le poète en aurait fourni d’autres versions, à un autre ami et à Verlaine. Je ne sais pas si Rimbaud l’aurait trouvé « trop » chouette mais « très », je l’espère ou simplement tout à fait digne de passer à la postérité.

    Ma chaîne : chant.tonnant

  12. Jean Jacques Dorio

    dit :

    Grogne un vieil air…

  13. Manon

    dit :

    Je dois apprendre cette poésie par coeur mais je n’ai pas la feuille. Heureusement que poètica a publié cette merveilleuse poésie ! Un grand merci !

  14. Jean Louis GUAZZELLI

    dit :

    Je suis vieux, j’ai appris ce poème à l’école quand j’étais petit ! C’était une des poésies qu’on récitait à Noel devant la famille, à la fin du repas… Et de la retrouver ici, çà m’a fait pleurer.

  15. A.McNulty

    dit :

    Trop chouette ! 😉 🙂

  16. Julie

    dit :

    Ce poème m’a bien aidé pour mon devoir et je l’ai adoré. 🙂

  17. rfghrg egfg

    dit :

    Trop bien ce poème !

  18. de La Chapelle

    dit :

    ❤️❤️❤️

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *