Grand homme

Esther Granek

Pour ses proches, on le sait bien,
de grand homme il n’y a point.
Pour ceux-là en vérité,
n’y a place à se leurrer.

Or…
pour le commun des mortels
c’est l’être surnaturel.
Le frôler est grand honneur
qui vous transcende sur l’heure.

Pour ses gens, sa maisonnée,
de petitesses il est fait
jusqu’à devenir odieux.
Que d’aigreurs en ce milieu !

Or…
pour chacun, pour le vulgaire,
il est de noble matière
et vit dans une autre sphère.
Hommage au génie divin !

Pour son clan, ô impudeur !
il est surtout grand péteur
et qui ne se gêne en rien
car sa gloire le vaut bien !

Or…
pour ceux qui de loin le voient,
l’approcher est privilège
et l’on fait souvent le siège
des lieux où il se rendra.

Pour ses familiers pourtant,
il est crétin trop souvent
et se mêle de matières
où vraiment il n’a que faire.

Or…
pour le toucher du regard,
que d’efforts et de passion !
Et c’est tremblant d’émotion
qu’on s’en vantera plus tard.

Pour façonner sa stature
(mais il dit qu’il n’en a cure)
autour de lui papillonne
une cour qu’il affectionne.

Or…
pour de nombreux envoûtés,
inspirer l’air qu’il respire
est leur plus fervent désir
et sorte de volupté…

Pour clore : en son sanctuaire,
croyant qu’on ne le voit guère,
c’est en se curant le nez
que s’élèvent ses pensées.

De grand homme il n’y a point
pour ses proches. On le sait bien.
Pour ceux-là en vérité,
n’y a place à se leurrer.

Esther Granek, Synthèses, 2009

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1 commentaires sur “Grand homme”

  1. 20ludo15

    dit :

    C’est tout simplement fabuleux.

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