Ma banlieue

Grégory Rateau

Elle se dresse
De toutes ses flaques bileuses
Relents d’herbes souillées
Ce bout de nulle part
Ce Pôle nord parisien
De mon sous-sol humide
Je la contemple aux heures creuses
Quand les nuages forment comme un deuxième ciel

Je trace alors une ligne droite
Vers la grande ville
Et dans ce lointain poussif
J’idéalise toutes ses lumières
Par-delà le périph
J’entrevois même ses boulevards
Des peaux ocre qui fusionnent dans la même toile
Des femmes voilées dans des trench-coats très bien ficelés

Mais soudain, la lumière décline
Seule la grisaille persiste
Cette même teinte uniforme encore et toujours
Elle me rentre dans les poumons
Ce sentiment récurrent d’être de trop
D’être loin de tout
De mon centre
De l’enfant

En équilibre constant sur ce point mort
Dont le projet d’ensemble me restera inconnu
Face à des toboggans statiques
Des chaises de bistrot déformées
A force d’accueillir les mêmes chômeurs sans cesse affalés
A contempler depuis les coulisses
Ces affiches surannées
Scotchées moult et moult fois par-dessus d’autres affiches
Des témoins oubliés
Qui ont fait vœux de silence

Grégory Rateau, Conspiration du réel, Unicité, 2022

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