Première soirée

Arthur Rimbaud

Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche au rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Arthur Rimbaud
Cahiers de Douai, 1870

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9 commentaires sur “Première soirée”

  1. Yves Leclerc

    dit :

    Personne ne semble porter attention à l’importance du rôle que jouent « les grands arbres indiscrets » penchés à l’extérieur; ces voyeurs silencieux, passifs mais « malinement » omniprésents (du début à la fin, ils encadrent toute la scène) donnent au poème une charge érotique qui contraste explicitement avec l’innocence presque enfantine du tableau untimiste.

  2. p’tit lion

    dit :

    Amour de poème PURement platonique.

  3. Pascal

    dit :

    Les “analyses” scolaires veulent souvent voir dans le « mièvre » du mépris, le prenant dans son sens péjoratif actuel de « fade ». Faire croire qu’Arthur partage leur dédain pour le genre feminin semble plaire à ces commentateurs. Mais ce « mièvre » là ne va ni avec la complicité que le poème nous fait partager, ni avec le «féminisme » souvent témoigné par Rimbaud comme dans cette fameuse lettre : « Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, – jusqu’ici abominable, – lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres? – Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons. ».
    Alors, que voulait dire Arthur avec son mièvre en 1870 ?
    Grace aux infos donnés par le lexicographe du CNRS: tout s’arrange!
    MIEVRE
    A. − Vieilli, fam. [En parlant d’un enfant] Qui est vif, espiègle; qui a de la vitalité, une gaieté malicieuse. Elle est si gentille [cette enfant de six ans] (…) et si espiègle,si mièvre, comme on disait de mon temps! (Richepin,Miarka,1883, p.113).
    − P. anal., en emploi subst. Eh! oui, vraiment, c’est cette mièvre effrontée de chevrette de montagne, qui rôdoit toujours avec ses petits autour de mon champ (Nodier,Fée Miettes,1831, p.38).
    B. − Qui est puéril; p.ext., qui n’a pas d’intensité, qui manque de force, de netteté, de puissance, de naturel; qui est fade, affecté.
    Donc : jusqu’en 1880 1890, mièvre voulait dire : « vif, malicieux, espiègle »!!
    Avouer que ca va bien mieux avec le ton de partage et de complicité entre les amants du poème, non?: « (Espiègle), elle jeta sa tête malicieuse / en arrière » (même si la rime disparaît !)

  4. audrey chiasson

    dit :

    Ce poème érotique est bien. Il est très sensuel.

  5. alain Sunyol. Alias Alsun.

    dit :

    C’est mignon bien sûr; c’est certainement érotique. Les deux, car c’est innocent.
    Fi de la pureté et de sa pruderie: la jeunesse est innocente.

  6. Lina

    dit :

    Ce n’est pas mignon, c’est érotique, nuance.

  7. lOu

    dit :

    oui… 1 prince assis dans le desert… qui boit l’oasis…

  8. DaniilDuFutur

    dit :

    Magnifique du grand Rimbaud

  9. oncle Bob

    dit :

    C’est mignon.

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