Jalousie

Hélène Picard

Par ces soirs où tu fuis, jeune amant de la vie,
Loin de ta chambre et de ta lampe et de tes dieux,
Je m’abîme en mes pleurs et je ferme les yeux,
Et je suis de tristesse et d’horreur poursuivie
Comme une barque en mer par une nuit d’adieux.

Je voudrais te maudire et je t’aime à pleine âme,
Et je baise tes pieds qui courent vers l’amour,
Et j’adore ton front qui se penchera, lourd
De l’ardeur de minuit, sur le sein d’une femme…
Oh ! ces soirs plus poignants que ton dédain du jour !…

Sans doute, ce n’est point une amante divine
Vers laquelle tu vas dans le soir embrasé,
Et ton front lumineux où l’orgueil est posé
Comme un soleil couchant sur la haute colline,
Tu le donnes, hélas ! au hasard d’un baiser …

O cruauté du sort, amertume de l’heure,
Cette femme mêlée à ton frisson humain,
Ne saura ni ton nom, ni ton regard demain,
Et moi qui te comprends, qui te respecte et pleure,
Je mourrai sans avoir jamais touché ta main !…

Hélène Picard, L’Instant Éternel, 1907

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