Cri perdu

Sully Prudhomme

Quelqu’un m’est apparu très loin dans le passé :
C’était un ouvrier des hautes Pyramides,
Adolescent perdu dans ces foules timides
Qu’écrasait le granit pour Chéops entassé.

Or ses genoux tremblaient ; il pliait, harassé
Sous la pierre, surcroît au poids des cieux torrides ;
L’effort gonflait son front et le creusait de rides ;
Il cria tout à coup comme un arbre cassé.

Ce cri fit frémir l’air, ébranla l’éther sombre,
Monta, puis atteignit les étoiles sans nombre
Où l’astrologue lit les jeux tristes du sort ;

Il monte, il va, cherchant les dieux et la justice,
Et depuis trois mille ans sous l’énorme bâtisse,
Dans sa gloire, Chéops inaltérable dort.

Sully Prudhomme, Les épreuves, 1866

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2 commentaires sur “Cri perdu”

  1. Harbulot lise marie

    dit :

    Ce poème m à fait fantasmer longtemps pendant mon enfance. Je m’imaginais là-bas avec les travailleurs et la fin posait une chappe sur mes epaules. « Cheops, inaltérable dort !!!!! »

  2. GIANNAKIS Ismini ismini

    dit :

    Merveilleux poète que j’ai découvert à travers le chant. Gabriel Fauré a mis en musique Au bord de l’eau, Ici-bas & Les berceaux. C’est juste magnifique !

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