Catalunya

Jean-Pierre Villebramar

Dans ma vallée, on entre par une route étroite et dangereuse
ni questionnaire, ni douanier
ceux qui passent savent qu’il y a danger
ils passent

Dans ma vallée, les chemins montent vers des cortals,
en 39, des gens avec des noms pas de chez nous
posaient leur sac
quand ils en avaient un

dans ma vallée, il y a des clandestins et des passeurs,
les gens
ne sont ni saints, ni des héros,
seulement
des paysans têtus, restés
de la dernière guerre ; il se dit qu’un guerrillero
avec un fusil-mitrailleur
a ralenti une colonne de soldats venus de l’étranger
elle a fini par arriver au village, et l’a brûlé

mais il n’y avait personne dans les rues, ni dans les maisons,
pour y brûler avec,
et ils sont revenus

Dans ma vallée, il n’y a pas de savants
en physique des particules,
le temps coule comme bon lui semble,
les humains naissent, aiment et se détestent, puis meurent
sans y faire d’histoires

les vivants savent : « c’est le champ d’Untel », (ou d’une telle),
il avait mauvais caractère et un fusil de chasse
calibre 12, avec du petit plomb

sur le feu, la cuisine du soir
un verre de café sur la table
pour celui qui montait les voir,
et des histoires de voisins, ça faisait rire
des fois, pas gentiment

dans ma vallée, on entre par une gorge étroite et dangereuse
il n’y a pas de panneau « danger »
ceux qui montent savent qu’il y a danger

ils passent

Villebramar, 2020

Imprimer ce poème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *