Fanfaronnade

Alphonse Daudet

Je n’ai plus ni foi ni croyance !
Il n’est pas de fruit défendu
Que ma dent n’ait un peu mordu
Sur le vieil arbre de science :
Je n’ai plus ni foi ni croyance.

Mon cœur est vieux ; il a mûri
Dans la pensée et dans l’étude ;
Il n’est pas de vieille habitude
Dont je ne l’aie enfin guéri.
Mon cœur est vieux, il a mûri.

Les grands sentiments me font rire ;
Mais, comme c’est très bien porté,
J’en ai quelques uns de côté
Pour les jours où je veux écrire
Des vers de sentiment…pour rire.

Quand un ami me saute au cou,
Je porte la main à ma poche ;
Si c’est mon parent le plus proche,
J’ai toujours peur d’un mauvais coup,
Quand ce parent me saute au cou.

Veut-on savoir ce que je pense
De l’amour chaste et du devoir ?
Pour le premier…allez-y voir ;
Quant à l’autre, je me dispense
De vous dire ce que je pense

C’est moi qui me suis interdit
Toute croyance par système,
Et, voyez, je ne crois pas même
Un seul mot de ce que j’ai dit.

Alphonse Daudet, Les Amoureuses, 1858

Imprimer ce poème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *