Les Yeux gris

Renée Vivien

Le charme de tes yeux sans couleur ni lumière
Me prend étrangement : il se fait triste et tard,
Et, perdu sous le pli de ta pâle paupière,
Dans l’ombre de tes cils sommeille ton regard.

J’interroge longtemps tes stagnantes prunelles.
Elles ont le néant du soir et de l’hiver
Et des tombeaux : j’y vois les limbes éternelles,
L’infini lamentable et terne de la mer.

Rien ne survit en toi, pas même un rêve tendre.
Tout s’éteint dans tes yeux sans âme et sans reflet,
Comme un foyer rempli de silence et de cendre.
Le jour râle là-bas dans le ciel violet.

Dans cet accablement du morne paysage,
Ton froid mépris me prend des vivants et des forts.
J’ai trouvé dans tes yeux la paix sinistre et sage,
Et la mort qu’on respire à rêver près des morts.

Renée Vivien, Études et Préludes

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