Ma sensibilité

Guillaume Apollinaire

Ma sensibilité est devenue
aussi aiguë
que celle de l’écrevisse
au moment du renouvellement de sa carapace

l’homme propose son désir
et son effort c’est d’ouvrir
les jambes de la femme
AEIOU
aeiou

Le soleil et la forêt ce sont mes père et mère
la lune et la colline mamelles de ma nourrice
et l’insecte sans nombre est plus fort que ta volonté
Avant-trains dissimulés sous des branches de sapin
La terrible rumeur des mouches d’acier qui quittent brusquement une
charogne
Couche-toi sur la paille ce lit si bien doré
L’écorce du bouleau répand en brûlant une odeur balsamique
On brûle de la neige dans l’encensoir des solitudes

Les coupoles admirables de tes seins d’aurore

Une nouvelle Humanité
est en train de se créer
plus sensible plus volontaire
plus libre plus amoureuse
cette Humanité neuve
c’est la spirale plus céleste que l’oiseau
c’est l’ange même
et l’ancienne Humanité la déteste et veut la tuer

Courmelois, le 1 juin 1915

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou

Imprimer ce poème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *