Il fait novembre en mon âme

Emile Verhaeren

Rayures d’eau, longues feuilles couleur de brique,
Par mes plaines d’éternité comme il en tombe !
Et de la pluie et de la pluie – et la réplique
D’un gros vent boursouflé qui gonfle et qui se bombe
Et qui tombe, rayé de pluie en de la pluie.

– Il fait novembre en mon âme –
Feuilles couleur de ma douleur, comme il en tombe !

Par mes plaines d’éternité, la pluie
Goutte à goutte, depuis quel temps, s’ennuie,
– Il fait novembre en mon âme –
Et c’est le vent du Nord qui clame
Comme une bête dans mon âme.

Feuilles couleur de lie et de douleur,
Par mes plaines et mes plaines comme il en tombe ;
Feuilles couleur de mes douleurs et de mes pleurs,
Comme il en tombe sur mon coeur !

Avec des loques de nuages,
Sur son pauvre oeil d’aveugle
S’est enfoncé, dans l’ouragan qui meugle,
Le vieux soleil aveugle.

– Il fait novembre en mon âme –

Quelques osiers en des mares de limon veule
Et des cormorans d’encre en du brouillard,
Et puis leur cri qui s’entête, leur morne cri
Monotone, vers l’infini !

– Il fait novembre en mon âme –

Une barque pourrit dans l’eau,
Et l’eau, elle est d’acier, comme un couteau,
Et des saules vides flottent, à la dérive,
Lamentables, comme des trous sans dents en des gencives.

– Il fait novembre en mon âme –

Il fait novembre et le vent brame
Et c’est la pluie, à l’infini,
Et des nuages en voyages
Par les tournants au loin de mes parages
– Il fait novembre en mon âme –
Et c’est ma bête à moi qui clame,
Immortelle, dans mon âme !

Emile Verhaeren

Imprimer ce poème

2 commentaires sur “Il fait novembre en mon âme”

  1. Béya

    dit :

    Je cherche une poésie d’Emile Verhaeren, que j’avais appris enfant, dont je ne me souviens que de cette strophe:

    “Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes, l’hiver est triste avec sa bise et son brouillard“

    Pouvez-vous m’en donner le titre Svp. Merci.

  2. Florence

    dit :

    Merci pour la publication de ce poème. Je suis née en novembre, un mois où je suis souvent mélancolique ou bien un mois où il m’arrive des choses désagréables (et pas des moindres!). Ce poème d’Emile Verhaeren exprime parfaitement le versant sombre et douloureux de ce mois (heureusement d’autres poètes chantent son versant flamboyant et gourmand). J’aime beaucoup aussi sa musicalité, avec ce soupir récurent :

    — Il fait novembre en mon âme —

    MERCI au poète…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *