Tableau populaire

Paul Verlaine

L’apprenti point trop maigrelet, quinze ans, pas beau,
Gentil dans sa rudesse un peu molle, la peau
Mate, œil vif et creux, sort de sa cotte bleue,
Fringante et raide au point, sa déjà grosse queue
Et pine la patronne, une grosse encore bien,
Pâmée au bord du lit dans quel maintien vaurien,
Jambes en l’air et seins au clair, avec un geste !
A voir le gars serrer les fesses sous sa veste
Et les fréquents pas en avant que ses pieds font ;
Il appert qu’il n’a pas peur de planter profond
Ni d’enceinter la bonne dame qui s’en fiche,
(Son cocu n’est-il pas là confiant et riche ?)
Aussi bien arrivée au suprême moment
Elle s’écrie en un subit ravissement :
« Tu m’as fait un enfant, je le sens, et t’en aime
D’autant plus « — » Et voilà les bonbons du baptême ! « 
Dit-elle, après la chose ; et tendre à croppetons,
Lui soupèse et pelote et baise les roustons.

Paul Verlaine, Femmes, 1890

Imprimer ce poème

1 commentaires sur “Tableau populaire”

  1. Marie

    dit :

    Les voies du dialogue social ne sont pas toujours impénétrables. Maintes patronnes ont ainsi éteint le feu de la lutte des classes dans les arrière-boutiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *