À Victor Hugo

Félix Arvers

D’illusions fantastiques
Quel doux esprit t’a bercé ?
Qui t’a dit ces airs antiques,
Ces contes du temps passé ?
Que j’aime quand tu nous chantes
Ces complaintes si touchantes,
Ces cantiques de la foi,
Que m’avait chantés mon père,
Et que chanteront, j’espère,
Ceux qui viendront après moi.

Quand le soir, à la chaumière,
La lampe unit tristement
La pâleur de sa lumière
Au vif éclat du sarment,
Assis dans le coin de l’âtre,
Sans doute tu vis le pâtre
Rappeler des anciens jours,
Récits d’amour, de constance.
Et redire à l’assistance
Ces airs qu’on retient toujours.

Il a de vieilles ballades,
Il a de joyeux refrains :
Et pour les brebis malades
Des remèdes souverains :
Il connaît les noirs présages :
Perçant le voile des âges
Son œil lit dans l’avenir,
Il donne des amulettes,
Et prédit aux bachelettes
Quand l’amour doit leur venir.

Il ta montré la relique
Et la croix qu’un pénitent
A la sainte basilique
A fait bénir en partant.
Il t’a dit les eaux fangeuses
Où dans les nuits orageuses
Errent de pâles lueurs,
Puis sur l’autel de la Vierge
Il a fait brûler un cierge
A la mère des douleurs.

Il a deviné ta peine,
Il t’a conseillé parfois
D’aller faire une neuvaine
A Notre-Dame-des-Bois ;
De partir pour la Galice ;
Ou, vêtu du noir cilice
D’aller, pieux voyageur,
Déposer ton humble hommage
Au pied de la vieille image
De Saint Jacques-le-Majeur.

Dans une chapelle basse,
Devers la Saint-Jean d’été,
Il t’a fait baiser la châsse
Dont l’antique sainteté
Donne à la foi populaire
Le précieux scapulaire
Qui du malin nous défend,
Et sans travail, ni souffrance,
Abrège la délivrance
Des femmes en mal d’enfant.

Il t’a fait dans les bruyères
Voir, de loin, les lieux maudits
Où l’on dit que les sorcières
S’assemblent les samedis ;
Où pour d’impurs sortilèges
A leurs festins sacrilèges
S’asseoit l’archange déchu ;
Où le voyageur qui passe
S’enfuit en voyant la trace
Qu’y grava son pied fourchu.

Mais à l’angle de deux routes
Il te recommande à Dieu :
Il part ; et toi tu l’écoutes
Après qu’il t’a dit adieu.
Puis tu reviens et nous chantes
Ces complaintes si touchantes,
Ces cantiques de la foi
Que m’avait chantés mon père,
Et que chanteront, j’espère.
Ceux qui viendront après moi.

Félix Arvers, Mes heures perdues, 1833

Imprimer ce poème

3 commentaires sur “À Victor Hugo”

  1. Littardi

    dit :

    Je ne connaissais pas Félix Arvers, mais un poète reste inégalé dans le réel comme dans l’irréel, le sublime, ce qui ne se voit pas et ni se ressent par le commun des mortels.

  2. jeanmarie odella

    dit :

    Malheureusement VH n’a pas du écouter ces sages pensées ! Il a continué son chemin ver la déroute de son génie qui l’a embarqué loin du Bon hélas ! Mais combien de grands esprits égarés ! On ne les compte plus (voltaire, JJ Rousseau Descartes etc Diderot Erasme etc Sartre deBeauvoir etc) qui ont tous fait à leur manière l’éloge de la folie !

  3. amoureuse des poèmes

    dit :

    Trop genial

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *