La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d’or
Était composée de deux panneaux
S’attachant sur l’épaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nus
N’entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d’ottoman violine
Et en tunique brodée d’or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d’or
Et traînait ses petits souliers à boucles
Elle était si belle
Que tu n’aurais pas osé l’aimer
J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peur
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Les femmes sont ma plus grande peur.
1909 to 2019
only the words are the same
but the feelings
are a century apart.
Apollinaire will remain
Apollinaire for centuries
to come
À l’époque, je pense qu’on pourrait dire que le mot aimer voulait dire avoir des relations charnelles!
Donc quand il dit qu’il ne l’aimera pas, je pense que c’est plutôt qu’il n’oserait la toucher- elle est trop belle.
Une allégorie de lui même, ivre ?
Je trouve la description de la femme assez plate pour un auteur si connu. S’agit-il d’une prostituée rencontrée au détour d’une rue ? Elle lui reste extérieure. Que craint-il d’elle ? Sa beauté ? Ou de ne pas savoir qu’en faire ?
Les 9 derniers vers sont absolument merveilleux. L’un des plus beaux poèmes d' »Alcools », livre qui marque le véritable commencement de la littérature moderne.
« Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peur »
La beauté de la femme chez Apollinaire serait-elle un obstacle à l’expression de ses sentiments d’amour? Qu’est ce qui justifierait qu’il ait autant si peur du temps nouveau? Au final, le manque de confiance en soi ne serait-il pas son véritable problème?
La peur profonde de l’auteur de decevoir l’amour profonde d’une bien aimée qui lui est si chère, et qu’elle puisse se tromper à son sujet sans savoir, ni comprendre ce qu’il endûre au premier regard.
Aurait il peur de la décevoir sa belle ? Ou préfère t-il la vie crue et dur pour assouvir ses plaisirs, pensant que la belle dame lui fera l’affront de l’ignorer ? La facilité peut être, pas besoin de passer pour gentilhomme aux bonnes manières. Un écorché vif au talent aussi grand que la beauté de ses poèmes.
Les femmes les plus belles nous faisant peur comme des hommes mauvais…