1909

Guillaume Apollinaire

La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d’or
Était composée de deux panneaux
S’attachant sur l’épaule

Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France

Elle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nus

N’entendra-t-on jamais sonner minuit

La dame en robe d’ottoman violine
Et en tunique brodée d’or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d’or
Et traînait ses petits souliers à boucles

Elle était si belle
Que tu n’aurais pas osé l’aimer

J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau

J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peur

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

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28 commentaires sur “1909”

  1. lilou

    dit :

    J’adore

  2. Richard

    dit :

    La poésie est ce que vous ressentez donc nul besoin de critiquer une interprétation. Le ressenti relève, par ailleurs, de l’intimité.

  3. Riyad

    dit :

    Je trouve que le poème est magnifique. Pour moi le poète a cherché à nous embarquer dans son univers.

  4. Bloua

    dit :

    Ce poème est pour moi la preuve réelle de la nature immatérielle de l’âme. Mon corps, mon esprit se déconnectent… C’est effrayant la première fois mais au fur et à mesure on s’habitue au chatouilles.

  5. Berhmann

    dit :

    Excellent✌❤

  6. Sergent Pepper

    dit :

    En effet vouloir lire un poème en fonction d’un contexte sociétal ou politique constitue une hérésie absolue : cela dénote une incompréhension totale de ce qu’est la poésie.

  7. Bonnet Rene

    dit :

    A vous lire on pourrait croire que la poésie est avant tout le reflet du contexte économique politique, historique et social?

    Elle n’est pas analytique, mais plus psychanalytique! Elle met en lien ce qui n’en a pas, et dans une métaphore plus ou moins insensée, paradoxe, elle donne du sens à ce qui n’en a pas. Elle sacrifie à la musique des mots le sens. C’est cette inventivité qui évite la monotonie et les banalités de la pensée… Fait les grands poètes et stigmatise les rimailleurs… j’aime être envoûté par ce que je ne peut pas comprendre, et bercé par les mots qui s’autorisent à sortir du champ lexical… Il n’existe donc pas qu’un seul langage, mais des langages dans une seule langue…

  8. Valou le Clutch

    dit :

    Bonjour, je n’ai pas compris la ligne 4, on peut m’expliquer svp?

  9. Sergent Pepper

    dit :

    @Ms Votre commentaire est complètement délirant et reflète une incompréhension totale de la réalité moderne, voire une pure inversion des rôles (les nazis d’aujourd’hui ne sont plus ceux des années 30).

  10. Ms

    dit :

    Apollinaire a peur de Melania Trump, et notre actualité avec le monstre qui l’a prise pour masque lui a donné raison. Des figures mythiques (Méduse, Diane, Hécate, Jezabel) associent la monstruosité à la beauté. Le 3ème Reich fit la promotion des canons de beauté: des femmes blondes, belles, grandes, sveltes et robustes à la fois. Et rien n’a changé: les plus grands monstres se parent de telles créatures à la une de notre actualité politique et culturelle.

  11. Cletac

    dit :

    Au moment d’illustrer ce poème sibyllin je m’interroge aussi sur ses sous entendus.

    Le titre d’abord: mille neuf « sang neuf »… il s’agit bien d’une métamorphose d’une femme du peuple qu’il aimait bien « atroces » « énormes » « prolifiques ouvrières » en égérie républicaine au couleurs éclatantes , on est bien avant la guerre, luxe et beauté ne seraient que conséquences de l’industrialisation et cette femme belle et impressionnante fait peur au poète parce qu’elle est fardée, habillée comme une dame de lupanar et coiffée comme une noble… qu’elle n’est pas, l’une comme l’autre.

    « N’entendra-t-on jamais sonner minuit » fait allusion à …Cendrillon : en un mot quand ce sortilège, cette mascarade, cet envoûtement va-t-il s’arrêter ? Le carrosse redevenir citrouille ?

  12. Sara

    dit :

    La femme qu’il aime, qui l’impressionne et lui fait peur symbolise la France de cette époque, une France arrogante qui se métamorphose avec l’industrialisation et le modernisme… elle symbolise cet ère nouvelle qu’il appréhende peut-être… remarquez qu’il oppose cet amour à celui qu’il a pour le peuple, plus authentique, plus vrai…

    « J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
    Le luxe et la beauté ne sont que son écume
    Cette femme était si belle
    Qu’elle me faisait peur »

  13. Bertrand Thébault

    dit :

    Quand Apollinaire s’exprime avec simplicité, alors il nous comble de plaisir. Quand il introduit trop de son érudition dans ses poèmes, alors il nous fait trop mesurer notre ignorance ce qui gâche un peu notre plaisir… Mais c’est là un bien mince reproche qui ne peut être fait que par un inculte!

  14. Franz

    dit :

    C’est grâce à la vertu de l’apocope qu’on arrive à sept syllabes dans le vers : « Et en tunique brodée d’or »

  15. Louis Ernestin

    dit :

    Merci pour vos commentaires qui donne envie… de pratiquer la poésie. 1909 ne serait-ce pas une période dite « belle époque », les impressionnistes comme Degas révélant très bien la poésie de la beauté féminine, l’exposition universelle signant aussi un renouveau culturel et social ? Changement d’époque. Mais si Apollinaire reste Apollinaire, 1909 n’est pas 2019 ; une très belle femme impressionne toujours mais il en faut moins aujourd’hui pour qu’une femme fasse peur.

    Par ailleurs je ne crois pas qu’il s’agit de nuancer la forme d’amour dont il est question : il parle bien d’aimer. Et aimer une personne dont l’image imparfaite, parce que justement trop parfaite, donc artificielle, parce que inconsciente d’elle même , qui n’est que le vague reflet de l’ardent travail artisan, artistique et ingrat de petites mains autant misérables finalement que talentueuses lui est éthiquement et humainement pas possible. Voilà ce que je lis. C’est pour cela qu’il y a plusieurs mots grâce à notre langue pour designer le soucis philosophique : la plastique, la beauté, la grâce, le charme, le charisme, la séduction, jolie, mignone, craquante, magnifique, somptueuse, merveilleuse… Une femme merveilleusement belle ne m’aurait fait pas peur à a place du poète car elle a en plus quelque chose selon moi… la candeur, le naturel.

  16. Béatrice Raffier

    dit :

    Pour moi, la clé est dans les deux vers :
    « J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
    Le luxe et la beauté ne sont que son écume »
    Cette femme est belle par sa parure (qui a coûté de l’argent) et par sa santé « dents blanches lèvres rouges » (qui a coûté des soins et le fait de ne pas travailler). Sa beauté est le fruit du travail du peuple des machines, qu’il préfère « peuple habile » et « N’entendra-t-on jamais sonner minuit ? »(qu’elle disparaisse !)

  17. Chantal Bayer

    dit :

    Poème magnifique et troublant mais je me pose la question pourquoi ce titre 1009? Est ce que cela correspond à l’année de la rencontre ou en rapport avec l’Histoire, moment qui précède la guerre 1914-1918 ou qui suit celle de 1870 . Bizarre cette femme aux couleurs de la France!!!

  18. jen eude

    dit :

    Ce poéme m’a donné gout à la vie.

  19. quentin gentil

    dit :

    Les femmes sont ma plus grande peur.

  20. Alexandre Nodopaka

    dit :

    1909 to 2019
    only the words are the same
    but the feelings
    are a century apart.
    Apollinaire will remain
    Apollinaire for centuries
    to come

  21. Letourneur

    dit :

    À l’époque, je pense qu’on pourrait dire que le mot aimer voulait dire avoir des relations charnelles!
    Donc quand il dit qu’il ne l’aimera pas, je pense que c’est plutôt qu’il n’oserait la toucher- elle est trop belle.

  22. Mehdi

    dit :

    Une allégorie de lui même, ivre ?

  23. ORANGE Christian

    dit :

    Je trouve la description de la femme assez plate pour un auteur si connu. S’agit-il d’une prostituée rencontrée au détour d’une rue ? Elle lui reste extérieure. Que craint-il d’elle ? Sa beauté ? Ou de ne pas savoir qu’en faire ?

  24. Sylvain Foulquier

    dit :

    Les 9 derniers vers sont absolument merveilleux. L’un des plus beaux poèmes d' »Alcools », livre qui marque le véritable commencement de la littérature moderne.

  25. Fabrice

    dit :

    « Cette femme était si belle
    Qu’elle me faisait peur »

    La beauté de la femme chez Apollinaire serait-elle un obstacle à l’expression de ses sentiments d’amour? Qu’est ce qui justifierait qu’il ait autant si peur du temps nouveau? Au final, le manque de confiance en soi ne serait-il pas son véritable problème?

  26. dc

    dit :

    La peur profonde de l’auteur de decevoir l’amour profonde d’une bien aimée qui lui est si chère, et qu’elle puisse se tromper à son sujet sans savoir, ni comprendre ce qu’il endûre au premier regard.

  27. Fabrice Chiudini

    dit :

    Aurait il peur de la décevoir sa belle ? Ou préfère t-il la vie crue et dur pour assouvir ses plaisirs, pensant que la belle dame lui fera l’affront de l’ignorer ? La facilité peut être, pas besoin de passer pour gentilhomme aux bonnes manières. Un écorché vif au talent aussi grand que la beauté de ses poèmes.

  28. aires

    dit :

    Les femmes les plus belles nous faisant peur comme des hommes mauvais…

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