À Madame Marguerite

Pierre de Ronsard

Il faut que j’aille tanter
L’oreille de MARGUERITE,
Et dans son palais chanter
Quel honneur elle merite :
Debout Muses, qu’on m’atelle
Vostre charette immortelle,
Affin qu’errer je la face
Par une nouvelle trace,
Chantant la vierge autrement
Que nos poëtes barbares,
Qui ses saintes vertus rares
Ont souillé premierement.

J’ai sous l’esselle un carquois

Gros de fleches nompareilles,
Qui ne font bruire leurs vois
Que pour les doctes oreilles :
Leur roideur n’est apparante,
A telle bande ignorante,
Quand l’une d’elles annonce
L’honneur que mon arc enfonce :
Entre toutes j’elirai
La mieus sonnante, & de celle
Par la terre universelle
Ses vertus je publirai.

Sus mon Ame, ouvre la porte
A tes vers plus dous que miel,
Affin qu’une fureur sorte
Pour la ravir jusque au ciel :
Du croc arrache la Lire
Qui tant de gloire t’aquit,
Et vien sus ses cordes dire
Comme la Nimphe náquit.

Par un miracle nouveau
Pallas du bout de sa lance
Ouvrit un peu le cerveau
De François seigneur de France.
Adonques Vierge nouvelle

Tu sortis de sa cervelle,
Et les Muses qui te prindrent
En leurs sçiences t’apprindrent :
Mais quand le tens eut parfait
L’acroissance de ton age,
Tu pensas en ton courage,
De mettre à chef un grand fait.

Tes mains s’armerent alors
De l’horreur de deus grands haches :
Tes braz, tes flancs, & ton cors,
Sous un double fer tu caches :
Une menassante creste
Branloit au hault de ta teste
Joant sur la face horrible
D’une Meduse terrible :
Ainsi tu alas trouver
Le vilain monstre Ignorance,
Qui souloit toute la France
Desous son ventre couver.

L’ire qui la Beste offense
En vain irrita son cueur,
Pour la pousser en defense
S’opposant au bras vainqueur :
Car le fer pront à la batre

Ja dans son ventre est caché,
Et ja trois fois voire quatre,
Le cueur lui a recherché.

Le Monstre gist etandu,
De son sang l’herbe se mouille :
Aus Muses tu as pandu
Pour Trophée sa depouille :
Puis versant de ta poitrine
Mainte source de doctrine,
Au vrai tu nous fais connoistre
Le miracle de ton estre.
Pour cela je chanterai
Ce bel hinne de victoire,
Et de France à la Gent noire
L’enseigne j’en planterai.

Mais moi qui suis le témoin
De ton los qui le monde orne,
Il ne faut ruer si loin
Que mon trait passe la borne :
Frape à ce coup MARGUERITE,
Et te fiche en son merite,
Qui luit comme une planette
Ardante la nuit brunette.
Repandon devant ses ieus

Ma musique toute neuve
Et ma douceur qui abreuve
L’honneur alteré des cieus.

Affin que la Nimphe voie
Que mon luc premierement
Aus François montra la voie
De sonner si proprement :
Et comme imprimant ma trace
Au champ Attiq’ & Romain,
Callimaq’, Pindare, Horace,
Je deterrai de ma main.

Pierre de Ronsard

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7 commentaires sur “À Madame Marguerite”

  1. Joakim

    dit :

    J’ai aimé le mot aisselle, j’ai rit…

  2. HARISHAN UTHAYAKUMAR

    dit :

    D’accord avec Mouloud

  3. Sachette

    dit :

    L’est-il ? Irréel au point de l’invraisemblable ; extraordinaire ! C’est assez fabuleux.

  4. mouchette

    dit :

    Le charme du françois du XVIeme.

  5. hakloud

    dit :

    C’est presque fabuleux

  6. hakeem

    dit :

    C’est fabuleux

  7. mouloud

    dit :

    Ce n’est pas fabuleux

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