Vivre du vert des prés et du bleu des collines,
Des arbres racineux qui grimpent aux ravines,
Des ruisseaux éblouis de l’argent des poissons ;
Vivre du cliquetis allègre des moissons,
Du clair halètement des sources remuées,
Des matins de printemps qui soufflent leurs buées,
Des octobres semeurs de feuilles et de fruits
Et de l’enchantement lunaire au long des nuits
Que disent les crapauds sonores dans les trèfles.
Vivre naïvement de sorbes et de nèfles,
Gratter de la spatule une écuelle en bois,
Avoir les doigts amers ayant gaulé des noix
Et voir, ronds et crémeux, sur l’émail des assiettes,
Des fromages caillés couverts de sarriettes.
Ne rien savoir du monde où l’amour est cruel,
Prodiguer des baisers sagement sensuels
Ayant le goût du miel et des roses ouvertes
Ou d’une aigre douceur comme les prunes vertes
À l’ami que bien seule on possède en secret.
Ensemble recueillir le nombre des forêts,
Caresser dans son or brumeux l’horizon courbe,
Courir dans l’infini sans entendre la tourbe
Bruire étrangement sous la vie et la mort,
Ignorer le désir qui ronge en vain son mors,
La stérile pudeur et le tourment des gloses ;
Se tenir embrassés sur le néant des choses
Sans souci d’être grands ni de se définir,
Ne prendre de soleil que ce qu’on peut tenir
Et toujours conservant le rythme et la mesure
Vers l’accomplissement marcher d’une âme sûre.
Voir sans l’interroger s’écouler son destin,
Accepter les chardons s’il en pousse en chemin,
Croire que le fatal a décidé la pente
Et faire simplement son devoir d’eau courante.
Ah ! vivre ainsi, donner seulement ce qu’on a,
Repousser le rayon que l’orgueil butina,
N’avoir que robe en lin et chapelet de feuilles,
Mais jouir en son plein de la figue qu’on cueille,
Avoir comme une nonne un sentiment d’oiseau,
Croire que tout est bon parce que tout est beau,
Semer l’hysope franche et n’aimer que sa joie
Parmi l’agneau de laine et la chèvre de soie.
Cécile Sauvage, Tandis que la terre tourne
Je l’ai lu aujourd’hui dans la forêt sur mon téléphone à ma compagne. C’était la première fois que je lisais un poème. Parfois c’est dur à comprendre, mais j’ai senti comme quelque chose d’étrange dans mon cœur qui s’ouvrait sur un monde inconnu. Merci
J’ai découvert ce poème au petit matin… Il va infuser toute la journée… et plus encore. Une merveille…
Bonjour, ce poème est d’une beauté qui soulève le coeur. Il touche au plus profond de soi. J’ai eu l’impression que durant un instant on me donnait un bout de Paradis. C’est magnifique. C’est même plus que magnifique. C’est bouleversant!
Ce poème est magnifique, je viens de faire sa rencontre et je le choisis pour un dernier adieu à Monique qui vient de nous quitter. Je le choisis parce que comme elle, il est vivant, même si la mort est venue l’arracher…
Quelle merveille de poésie tout en douceur et simplicité… ces mots coulent comme l’eau d’une source si bienfaitrice de s’abreuver de sa limpidité et fraîcheur. Que de beaux moments de détente avec ces poèmes… continuez à nous enchanter.
J’aime beaucoup ce poème léger, dansant, fruité, on se sent bien déjà en le lisant. Je ne sais pas faire des poèmes et le regrette vraiment. Merci pour ce bon moment.
Une merveille de dentelle
Et oui. La vie comme avant. Ne pas se prendre la tête.
C’est joli!