La lune était sereine et jouait sur les flots. —
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’un voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? —
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine… —
La lune était sereine et jouait sur les flots.
2 septembre 1828
Victor Hugo, Les Orientales, 1829
Trop bien 😀 !
Trop bien !
Joli poème. je vais m’en servir pour un devoir de français.
Sacrilège ! De ses DOIGTS VIBRANTS s’échappe la guitare ! C’est une diérèse en hypallage ! Arrg !
Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien étrange.
Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange.
La chose simplement d’elle même arriva,
comme la nuit se fait lorsquele jour s’en va.
Victor Hugo, les Miserables.
Honnêtement, j’ai rigolé en lisant ce poème.
Espin quel homage au poete… superbe
Comment taire…
Hugo est un poète, un orfèvre précis,
un conteur enflammé, un faiseur de récit.
J’entends les sons que font les acteurs de la scène
et me laisse emporter par ce tableau marin,
pour m’horrifier enfin, lors du dernier quatrain,
d’une réalité que je devine obscène.
Il y a des inconnus qu’on abîme dans l’abysse.
Des victimes d’un crime dont la mer est complice.
Sont-ce des favorites qui ont fini par lasser ?
Des fruits non désirés, des amants sacrifiés ?
La sultane le sait; faut-il l’interroger
et risquer le courroux d’un sultan insulté ?
La sagesse d’Hugo met fin à mes propos
en faisant jouer la lune, peinarde sur ces flots.
C’est tres joli.