Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.
René-François Sully Prudhomme, La vie intérieure
La mort telle qu’on se l’imagine n’existe pas… On change de nature nos âmes sont éternelles… Ou éther n’Ailes
Poeme joliment mis en musique par le compositeur suisse Gaël Liardon (disponible sur youtube)
Ce serait top beau si les yeux qu’on ferme s’ouvrent à une immense aurore….Comme ça on pleurerait moins les êtres qu’on aime… Et qui ne sont plus…
Vous souvenez vous de l’hommage rendu à Sully Prudhomme par Pagnol faisant citer à monsieur Brun un poème sur la chaise vide quand les amis se retrouvent pour une partie de cartes après la mort de Panisse..?
J’adore l’agencement des idées, une plume qui vaut son pésant d’or. Le poète meurt, mais ces oeuvres démeurent.
A chaque fois qu’arrivait un nouveau « CHEZ-NOUS » O.S.E. maison -Œuvre de Secours aux Enfants- après la 2ème guerre mondiale, devions pour être admis par les anciens enfants déjà présents « chanter »quelque chose. Je me suis excusée en disant que je ne savais pas chanter- mais réciter un poème je le pouvais. Et là devant nous tous : rescapés de la Shoah le POÈME si intense, si vrai, si beau et lumineux je récitais… -Bleus ou Noirs des yeux sans nombre ont vu l’aurore ils dorment au fond des tombeaux et le soleil de lève encore …Les yeux qu’on ferme voient encore. —
Le 17 juillet 2022 à Chartres au Square Jean Moulin à la journée Nationale de Commémoration des Justes de France parmi les Nations le JUSTE poème ressurgit et voit ENCORE-
Hommage à Jannina Filippi et à tous les amis perdu à nos yeux mais toujours dans notres coeurs.
Sublime poème. Le poète a construit son texte en fonction de la mort en établissant un lien entre les yeux et la mort. Finalement, c’est la vie qui triomphe.
Ce qui est très bien dans tous ces commentaires c’est que ces souvenirs viennent de l’enfance. On enseigne bien que ce qu’on aime, hélas les professeurs qui aiment la poésie se font rares.
Il me semble que ce poème est inscrit sur sa tombe au Père Lachaise ou j’ai eu la chance de tomber sur sa sépulture… et j’ai découvert le poète et l’écrivain et aussi ce poème sublime.
Magnifique poème cela me donne des frissons tellement c’est vrai !
Ce poème est le plus beau dont je me souvienne. Hommage à madame Bourgeois, institutrice à l’école Pasteur de Melun.
Grâce à ce poème je suis devenue poétesse… Dans ma jeunesse, j’ai dû l’analyser pour réussir mon examen d’entrée à l’école normale. Que de beaux souvenirs!
Ai découvert dans un florilège, Poèmes d’Amour… C’est magique… Depuis, il me poursuit…
Simplement sublime ! Que d’émotions !
Simplement sublime !
Lu et appris en 5ème, jamais oublié depuis: une merveille d’émotions.
Juste sublime avec son autre poème « le vase brisé »
Beaucoup d’émotion. Ici, l’âme vibre. Ce poète oublié mérite mieux : qu’on le réhabilite. Les ombres conjuguées de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud l’ont écrasé.
J’aime ce poème depuis mon enfance bien lointaine!
Est-il possible d’entendre ce poème sans verser une larme ?