— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869
L’étranger aime les nuages qui passent là-bas là-bas. Le dormeur du val est étendu dans l’herbe sous la nue. C’est le travail de ces deux poètes exigeants qui cherchent à rapprocher des « réalités éloignées ». Ces êtres énigmatiques font l’éloge des moments éphémères et précieux qui échappent aux gens affairés par leur vie (vide) « Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise, mais enivrez-vous…sans cesse. » Baudelaire
Oui, cela me ramène aussi à : nous venons, nous partons, nous sommes nuages sur le ciel de la vie. Baudelaire a cette concision, ce dépouillement, pour tant dire, que j’apprécie particulièrement.
Ce poème est un vrai massage pour mon esprit
Moi c’est la chanson « le délice à pleurer » d’Emilie Loizeau qui m’a fait connaître ce poème, puis par hasard j’ai voulu acheter un atlas sur les nuages réédité depuis 1890 dont la 4e de couverture le cite… Quelle coïncidence, me dis-je! C’est ainsi que j’ai découvert ce merveilleux poème de Baudelaire. Merci aux passeurs de culture.
Moi c’est la chanson d’Emilie Simon dans son dernier album qui m’a fait prendre conscience de la merveillosité des nuages, puis par hasard j’ai voulu acheter un livre sur les nuages et trouver l’atlas dont la 4e de couverture le cite… Quelle coïncidence, me dis-je! C’est ainsi que j’ai découvert ce merveilleux poème de Baudelaire. Merci aux passeurs de culture.
Superbe poème sur l’indépendance, la liberté et la reconnaissance des vraies valeurs, de la vraie beauté libre, celle des nuages qui passent. Ce poème me fait aussi comprendre pourquoi, enfant unique, je me suis toujours sentie étrangère dans toutes les sociétés du monde. L’étranger n’a pas de famille, pas de frères ni de soeurs. Comme je ne puis accorder aucune signification au mot « fraternité » que certains, ayant sans doute des frères ou/et des soeurs, ont jugé bon d’inscrire dans la devise républicaine de mon propre pays « Liberté – Egalité – Fraternité », je me sens étrangère. Je sais ce que signifie l’amitié mais ne saurai jamais ce qu’est la fraternité, ce que l’on peut ressentir, enfant puis adulte, envers des pairs face aux parents, des personnes qui auraient été solidaires pendant l’enfance et qui auraient éprouvé la même douleur que moi face à la maladie et à la mort des parents, ces moments difficiles qu’il m’a fallu assumer seule sans pouvoir en parler à quiconque. Etrangère donc pour toujours.
Merveilleux et libres nuages que le bébé suit déjà des yeux d’un air extasié.
Je l’avais affiché sur la porte de ma chambre universitaire (dans les années 80), il interpellait les copains et copines qui venaient me voir.
L’étranger absolu, celui qui n’a ni pays, ni patrie qui se puisse atteindre, au-delà de toute notion de frontière, dans la dimension totalement libre des nuages là-bas… là-bas… par-delà toute attache… rien qui fasse souffrir…
Ma mère me récitait ce poème avec douceur, il me semble que je le connais depuis toujours, il m’apaise.
Admirer ce soir les nuages ⛅ me laissent songeuse mon Charles… ta mortelle Madonne.
Je pense à la liberté intérieure nécessaire à sortir de la course des rats et se satisfaire des nuages, mais j’hésite aussi si le prix de cette liberté n’est pas de l’isolement et même de l’égocentrisme… position différente de l’auteur qui cherche un lecteur mais dont on sent l’admiration pour celui qui n’en a pas besoin et qui peut se taire, qui n’écrit pas. D’où un poème étrange, qui se regrette… presque plus un poème, de la prose. Dont know if it makes any sense.
« les merveilleux nuages » = « la vie »
Les perceptions et tout l’alentours éphémères, changeant et mortel. Baudelaire est immortel!
J’ai une question. Est ce que poème est dans le registre engagé svp ?
Je l’ai fait étudier à mes élèves de 5e (12..13 ans) autrefois… Ils étaient très attentifs et j’arrivais en les sollicitant à les faire participer.. Et je dirais que j’arrivais à leur faire partager mon emotion…
Tout un chacun note son petit commentaire à propos du mot nuage. Il me semble important cependant de louer les réactions de cet homme en même temps indifférent fier lointain ironique est tellement séduisant par son indépendance…
Tout simplement un homme qui vit ailleurs entre le rêve et un imaginaire. Il s’est échappé ailleurs. Dans son monde à lui…
Ce poème m’a valu un 9.5/10 en récitation au cours de français, le 0.5 a été ajouté plus tard pour les « merveilleux nuages » !
I cannot forget this poem. So simple… but I can feel it… each time when the autumn is coming… the clouds on the Mediterranean sea… so far away and yet so beautiful.
Ce poème m’a beaucoup touché. J’aime ces nuages aux formes si changeantes et cela me fait rever…
Je ne suis ni ceci, ni cela… Je suis tout simplement… Tout est concept, rien n’est réel… Questionner tout, tout questionner… Nous n’avons ni père, ni mère, ni nom… Nous venons et nous partons… Nous passons comme ces merveilleux nuages touchés par la lumière dorée du couchant…
Il y a ce mot en anglais que je n’arrive pas à traduire en français : awareness. C’est cela l’étranger…
Merveilleux poème… Je ne peux voir un nuage sans que ces vers ne me reviennent en mémoire…
Oui, les nuages… on parle toujours de « regarder le ciel », de lever le regard jusqu’à là, mais c’est vrai, on ne regarde pas le bleu on fait attention aux nuages, leur densité, leur morphologie, leur passage, parfois vite parfois lent… on voudrait s’en aller ave eux… belles pompes de notre enfance…
Savez vous que les nuages parlent aux étoiles et changent de couleur pour cacher des arcs en ciels. Savez vous que les nuages s’amusent à secouer les avions pour leur faire peur et qu’ils s’enfueint alors vers l’horizon. Savez vous que les nuages inventent chaque jour une langue inconnue et blanche faite de dessins. J’aime les nuages. J’en ai toujours avec moi lors de mes voyages. Il m’arrive de les prendre en photo et des les mettre dans un album. Me croirez vous si je vous dis que chaque region, chaque pays, chaque ville cache ses secrets dans les nuages.
Je ne peux pas expliquer… mais ces nuages évoqués par Baudelaire ne manquent jamais de m’émouvoir aux larmes. Merci CB
J’ai appris ce poème par coeur quand j’ai étudié en France, au Lycée Buffon. Je l’aime beaucoup. Mais avec mes quinze ans, je ne comprennais pas pourquoi il parlait de haïr Dieu. Aujourd’hui je ne haïs pas Dieu, mais moi aussi j’aime les nuages.
Ce soir des nuages noirs couraient dans le ciel de Wellington pour s’agglutiner à d’autres nuages encore plus noirs qui s’étaient amoncelés au dessus de l ocean; tout naturellement ce poème m’est revenu à la memoire. Comme tu vois C.B. 150 ans ont passé depuis que tu as écrit ce si simple et délicat poème et les merveilleux nuages passent toujours… la bas… la bas…
@Le Gnome, moi aussi ! Tu sais de quoi c’était fait ?
Ce poème m’a beaucoup touché quand j’étais enfant.
Il faudrait un tableau fait de mots et de sons aux couleurs étrangères pour rendre justice à ce merveilleux poème.
Respect
Gratitude infinie
Pour celui qui offre
Ce poeme m’a fait aimerles nuages. Les nuages printaniers en particulier. Je n’ai jamais, depuis ma première lecture de ce poème, regardé le ciel sans penser à ces merveilleux nuages . Y compris lorsqu’il n’y en a pas. poème sublime.