Vieille ferme à la Toussaint

Emile Verhaeren

La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
Les feuillages fanés des frênes et des aunes.

Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent,
Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre,
A secouer la plaine à grands coups de labeur.

Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,
Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés,
Laissent filtrer la pluie et les brouillards tassés,
Même jusqu’au foyer où s’abrite l’aïeule.

Elle regarde aux horizons bouder les bourgs ;
Des nuages compacts plombent le ciel de Flandre ;
Et tristement, et lourdement se font entendre,
Là-bas, des bonds de glas sautant de tour en tour.

Et quand la chute en or des feuillage effleure,
Larmes ! ses murs flétris et ses pignons usés,
La ferme croit sentir ses lointains trépassés
Qui doucement se rapprochent d’elle, à cette heure,
Et pleurent.

Emile Verhaeren, Toute la Flandre

Imprimer ce poème

5 commentaires sur “Vieille ferme à la Toussaint”

  1. Nathalie Tielliu

    dit :

    J’ai retrouvé ce poème au Musée des Traditions Populaires de la ville de Moûtiers (Savoie, Fr.). Emouvant ! Le Musée en soi vaut également le détour.

  2. Céleste

    dit :

    Cela nous emporte à la ferme c’est magnifique on si croirait !

  3. Dusart

    dit :

    Quel beau poème !

  4. Dusart

    dit :

    Je suis de Flandre maritime mais habite Toulouse ! Ah, Nostalgie, quand tu nous tiens !!!

  5. meyer marie-claude

    dit :

    j’adore !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *