Larme

Arthur Rimbaud

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d’or, fade et qui fait suer.

Tel, j’eusse été mauvaise enseigne d’auberge.
Puis l’orage changea le ciel, jusqu’au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L’eau des bois se perdait sur des sables vierges,
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares…
Or ! tel qu’un pêcheur d’or ou de coquillages,
Dire que je n’ai pas eu souci de boire !

Mai 1872

Arthur Rimbaud, Derniers vers

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2 commentaires sur “Larme”

  1. Esteban Lefebvre

    dit :

    Le dérèglement de tous les sens incroyablement dessiné dans chacune de ses oeuvres par l’épatante description de l’ineffable. VRAI ! Rimbaud, la littérale beauté du diable, le voyageur fou, l’implacable trafiquant et l’incomparable poète, incomparable, unique.

  2. Georges E. Melki

    dit :

    Rimbaud est vraiment unique!

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