Las, où est maintenant ce mépris de Fortune

Joachim du Bellay

Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l’immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?

Où sont ces doux plaisirs qu’au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté
Dessus le vert tapis d’un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?

Maintenant la Fortune est maîtresse de moi,
Et mon cœur, qui soulait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuient.

De la postérité je n’ai plus de souci,
Cette divine ardeur, je ne l’ai plus aussi,
Et les Muses de moi, comme étranges, s’enfuient.

Joachim Du Bellay, Les Regrets (1558)

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9 commentaires sur “Las, où est maintenant ce mépris de Fortune”

  1. Philippe MAREC

    dit :

    Paradoxe des génies. Du Bellay désespère de son inspiration et de son talent et, ce faisant, il nous offre des vers qui figurent parmi les plus beaux de la langue française.

  2. Martine

    dit :

    Je suis en soins palliatifs et je redis ce poème que j’aimais beaucoup et qui prend désormais un sens tout différent. Pour moi, les muses incarnent cette vie qui s’éloigné de moi et bientôt je serai un fantôme sans os prenant son repos par les ombres myrteux.

  3. N

    dit :

    Le poète met, volontairement, en exergue dans ce sonnet un paradoxe entre le fond et la forme. En effet, il dit être dépourvu d’inspiration mais il écrit un sonnet lyrique et élégiaque.

    N. élève de seconde

  4. Tournesol

    dit :

    Ronsard est un grand poète et non un pédant. D’ailleurs Ronsard et du Bellay étaient amis. Il est ridicule de chercher à abaisser Ronsard pour exhausser du Bellay.

  5. LeTybreSeul

    dit :

    A Gérome, et peut-être Belot :

    3 ans d’un travail ennuyeux en Italie, voilà l’argument des Regrets, et derrière, ceux-là – les vrais regrets: ce sont ceux de ne pouvoir ou ne vouloir vivre en ce monde si brutal et vilain pour un cœur tendre. Du Bellay rate l’amour charnel, fuit les honneurs, ne voit partout que tromperie; mais la force du désir l’aiguillonne comme tout autre et son refus de vivre idéal est aussi une morbidité, sa complexion « chétive » qu’il regrette « comme le pélerin regrettant sa maison » et « comme le prisonnier maudissant sa prison ». Telle est l’essence, selon moi, des Regrets.

    Ps: Belot, mon étonnement du précédent post était bien sûr feint. J’aurais plaisir à développer!

  6. gérôme

    dit :

    Quels sont les regrets de Du Bellay à part le fait d’avoir quitté son pays natal, quoi d’autres ?

  7. Jean-Pierre Belot

    dit :

    Rares sont ceux qui comprennent le vrai sens du dernier vers. Les muses ne sont pas ce qu’on croit…

  8. LeTybreSeul

    dit :

    Étonnant que se dire fui des muses en des vers qui surclassent et relèguent à vile prose les Ronsard et autres pédants…

  9. mendousse-pineau

    dit :

    Le poète vieillit et se voit dépourvu d’inspiration. Les Muses le délaissent. Il se sent désemparé !

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