Le Départ

Louise Ackermann

Il est donc vrai ? Je garde en quittant la patrie,
Ô profonde douleur ! un cœur indifférent.
Pas de regard aimé, pas d’image chérie,
Dont mon œil au départ se détache en pleurant.

Ainsi partent tous ceux que le désespoir sombre
Dans quelque monde à part pousse à se renfermer,
Qui, voyant l’homme faible et les jours remplis d’ombre,
Ne se sont pas senti le courage d’aimer.

Pourtant, Dieu m’est témoin, j’aurais voulu sur terre
Rassembler tout mon cœur autour d’un grand amour,
Joindre à quelque destin mon destin solitaire,
Me donner sans regret, sans crainte, sans retour.

Aussi ne croyez pas qu’avec indifférence
Je contemple s’éteindre, au plus beau de mes jours,
Des bonheurs d’ici-bas la riante espérance :
Bien que le cœur soit mort, on en souffre toujours.

Paris, 13 septembre 1838.

Louise Ackermann, Premières poésies, 1871

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2 commentaires sur “Le Départ”

  1. gauthier

    dit :

    Je vais tenter d’en dire un peu plus que kikou…. L’écriture est exemplaire et n’a dû déplaire aux « as » de son temps. Rien ne manque quant à la « physiologie » de l’analyse qu’elle fait de son drame/destin/pathologie/juste-art d’être…? De toute façon son expérience est un bien en tant que témoignage culturel nous forçant/aidant/convaincant d’y apporter réponse et ouvrir de la sorte à une vision genre moucharabié… là j’ai fait vite ce qui jette une amorce possible

  2. kikou du 17 le bg du monde

    dit :

    Je trouve que ce poème fait réfléchir

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