Chanson de la plus haute tour

Arthur Rimbaud

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s’éprennent.

Je me suis dit : laisse,
Et qu’on ne te voie :
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t’arrête,
Auguste retraite.

J’ai tant fait patience
Qu’à jamais j’oublie ;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

Ainsi la prairie
A l’oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D’encens et d’ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.

Ah ! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n’a que l’image
De la Notre-Dame !
Est-ce que l’on prie
La Vierge Marie ?

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s’éprennent !

Arthur Rimbaud, Derniers vers

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15 commentaires sur “Chanson de la plus haute tour”

  1. Pol Longrée

    dit :

    J’en oubliais aussi les rires des Espagnoles et les Italiennes des journaux illustrés dont il s’aidait… Mais aussi, il y eut la serveuse aux yeux pétillant et aux tétons énormes, du « cabaret vert » de Charleroi, ville dont je suis… Je pense que ces figures l’ont aidé à sortir du « regard bleu qui ment », et qui culpabilise…, celui de sa mère, mais aussi le sien, propre regard turquoise océanique, à devoir dès lors « traverser »…, jusqu’à l’Afrique ! Il y laissera une jambe, terrible « castration symbolique »… pour revenir mourir en France, auprès de sa mère.

  2. Pol Longrée

    dit :

    Probablement, Alain…!
    Il lui faudra, certes, la traversée du « bouillon marin » des « bleuités » et « azurs vertes » de son « bateau ivre », ainsi que son exil en Afrique, sauvage, où il perdra une jambe…, pour y arriver finalement! Mais y est-il vraiment arrivé… ?
    Il y aura eu, du moins, et outre Paul Verlaine, l’oeil fol’ et brun de la fille des ouvriers d’à côté… et les saveurs de sa peau qu’il aura remporté dans sa chambre ! C’est déjà ça…
    Pol

  3. alain

    dit :

    N’est ce pas l’expression de son incapacité à dépasser son oedipe ?

  4. Pol Longrée

    dit :

    Pour mieux comprendre ce texte de Rimbaud qui se situe dans son recueil « Derniers vers » de 1872, lisez attentivement son texte : « Les poètes de 7 ans », écrit au moins un an plus tôt, en mai 1871. Il y décrit clairement toutes les difficultés vécues durant son enfance, renfermée, et notamment les importantes difficultés oedipiennes qu’il a rencontrées avec sa mère, dont il décrit le « bleu regard, – qui ment! », et qui le surprend, enfant, « à des pitiés immondes »… Sa colère y est clairement explicite, vis-à-vis de son enfance, en partie victime « d’âcres hypocrisies », mais aussi largement habitée par un combat intérieur dans lequel sa « muse » et son talent excessivement précoce lui faisaient « pressentir violemment la voile! », et non le voile, comme le questionne religieusement notre interlocuteur baptisé « Dieu » sur cette conversation qui date du 30 janvier 2020, mais bien évidemment là, à propos de ce poème-ci : « Chanson de la plus haute tour »… Mais il s’agit néanmoins du même Arthur, un an après, dans une même colère, peut-être quelque peu plus dépressive, et probablement non sans une certaine culpabilité rémanente, sous le souvenir du « bleu regard » de sa mère…, fût il associé au bleu ciel de la Vierge Marie… ? Pol

  5. Rui

    dit :

    Il faut tomber amoureux et ne pas être excessivement délicat puisque l’on peut y perdre la vie. Carpe Diem.

  6. James Dormeyer

    dit :

    Léo Ferré chante magnifiquement ce poème…

  7. Nielas

    dit :

    Rimbaud à 18 ans était un sale gosse, poète génial mais un sale gosse. C’est ainsi que le percevait ses compagnons poètes parisiens. Alors ce poème, un éclair de lucidité ?

  8. Dieu

    dit :

    Ce poème à mon avis parle aussi de (ou fait penser à) la vie religieuse/monastique, le retrait de la vie amoureuse qu’il suscite, suivi d’une mélancolie, puis d’un sang mauvais et d’une certaine pourriture intérieure causée par manque d’amour, ainsi que de la perversion (« est-ce que l’on prie la vierge Marie). Ce texte peut donc être vu comme particulièrement critique envers la religion… Le réduire à Verlaine n’explique pas les références à la religion: Marie, Le bourdon (le nom qu’on donne aux cloches), âme, Notre-Dame, cieux…)

  9. Marthy

    dit :

    La jeunesse traîne dans l’immobilisme du temps son désespoir et sa tristesse, accrochée à ses rêves elle navigue sur tout sans jamais s’engager avec la délicatesse de ceux qui n’osent pas encore. Que vienne avec l’amour la confiance et le désir pour que tout s’illumine, explose et donne envie de chevaucher la vie comme les chevalier, jadis leur destrier. Si Rimbaud avait vraiment aimé Verlaine, un poète peut il aimer quelqu’un d’autre que lui même, à désirer si ardemment un cœur à prendre et avec lui la vie qu’il a tant désirée et n’a jamais saisie.

  10. PRIGENT pierre

    dit :

    Génial

  11. Ano

    dit :

    Est-ce que ce poème parle de la nature ?

  12. aphyl

    dit :

    Lorsqu’il écrit ce poème, Rimbaud n’a que 18 ans. Il évoque ces amours ratées avec Verlaine… Le titre « chanson de la plus haute tour » évoque les cours d’amour des troubadours dans les châteaux du Moyen Age et aussi l’isolement de l’auteur loin de Verlaine.

  13. Druszcz Dawid

    dit :

    Je pense qu’il montre sa tristesse face a une vie où il n’a rien fait et que cela est maintenant trop tard .

  14. Nathanaël

    dit :

    Oisive jeunesse à tout asservie, par délicatesse j’ai perdu ma vie
    oui, tout est dit !
    ah, que le temps vienne où les coeurs s’éprennent.
    Oui

  15. Travailleur

    dit :

    Je ne comprends pas ce texte, il me serait fortement utile de me l’expliquer.

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