Hiver

Albert Samain

Le ciel pleure ses larmes blanches
Sur les jours roses trépassés ;
Et les amours nus et gercés
Avec leurs ailerons cassés
Se sauvent, frileux, sous les branches.

Ils sont finis les soirs tombants,
Rêvés au bord des cascatelles.
Les Angéliques, où sont-elles !
Et leurs âmes de bagatelles,
Et leurs coeurs noués de rubans ?…

Le vent dépouille les bocages,
Les bocages où les amants
Sans trêve enroulaient leurs serments
Aux langoureux roucoulements
Des tourterelles dans les cages.

Les tourterelles ne sont plus,
Ni les flûtes, ni les violes
Qui soupiraient sous les corolles
Des sons plus doux que des paroles.
Le long des soirs irrésolus.

Cette chanson – là-bas – écoute,
Cette chanson au fond du bois…
C’est l’adieu du dernier hautbois,
C’est comme si tout l’autrefois
Tombait dans l’âme goutte à goutte.

Satins changeants, cheveux poudrés,
Mousselines et mandolines,
O Mirandas ! O Roselines !
Sous les étoiles cristallines,
O Songe des soirs bleu-cendrés !

Comme le vent brutal heurte en passant les portes !
Toutes, – va ! toutes les bergères sont bien mortes.

Morte la galante folie,
Morte la Belle-au-bois-jolie,
Mortes les fleurs aux chers parfums !

Et toi, soeur rêveuse et pâlie,
Monte, monte, ô Mélancolie,
Lune des ciels roses défunts.

Albert Samain, Au jardin de l’infante

Imprimer ce poème

4 commentaires sur “Hiver”

  1. GILLARD

    dit :

    La date est 1893 il me semble.

  2. chacha

    dit :

    La date s’il vous plait?

  3. Camille

    dit :

    C’est un très beau poème, bravo à l’auteur car il est très difficile de trouver autant de rimes.

  4. Sarah

    dit :

    Je suis séduite par ce poème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *