Arabesques de malheur

Jules Laforgue

Nous nous aimions comme deux fous ;
On s’est quittés sans en parler.
(Un spleen me tenait exilé
Et ce spleen me venait de tout.)

Que ferons-nous, moi, de mon âme,
Elle de sa tendre jeunesse !
Ô vieillissante pécheresse,
Oh ! que tu vas me rendre infâme !

Des ans vont passer là-dessus ;
On durcira chacun pour soi ;
Et plus d’une fois, je m’y vois,
On ragera :  » Si j’avais su ! « ….

Oh ! comme on fait claquer les portes,
Dans ce Grand Hôtel d’anonymes !
Touristes, couples légitimes,
Ma Destinée est demi-morte !….

– Ses yeux disaient :  » Comprenez-vous !
 » Comment ne comprenez-vous pas ! « 
Et nul n’a pu le premier pas ;
On s’est séparés d’un air fou.

Si on ne tombe pas d’un même
Ensemble à genoux, c’est factice,
C’est du toc. Voilà la justice
Selon moi, voilà comment j’aime.

Jules Laforgue, Des Fleurs de bonne volonté

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2 commentaires sur “Arabesques de malheur”

  1. tiniak

    dit :

    Amoureux – et de longtemps ! de ce poète précurseur du vers libre, réfractaire aux dimanches endimanchés sur de mornes parvis, aux pianos ânonnant des frustrations bourgeoises, à la kyrielle des navrants (amèrement intéressants…) semblant passer leur temps à arpenter les rues – pourquoi ? s’y fondre ?

    Et j’en passe, des hypocrisies…

    Bref (oui, bon, pas tant) ! J’applaudis ce billet (malgré… oui, bon passons sur la retranscription).

    Vais m’amuser à parcourir votre liste. (et, oui ! pessort lisa, Jules Laforgue était triste, mais pas que… Comme toi. Comme moi. Comme nous devons tous l’être, pour envisager un Peut-Être…).

  2. pessort lisa

    dit :

    j’ai bien aimé et je trouve ce poème triste

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