Clair de lune

Jules Laforgue

Penser qu’on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l’épigastre.

Ah ! tout pour toi, Lune, quand tu t’avances
Aux soirs d’août par les féeries du silence !

Et quand tu roules, démâtée, au large
A travers les brisants noirs des nuages !

Oh ! monter, perdu, m’étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !

Astre atteint de cécité, fatal phare
Des vols migrateurs des plaintifs Icares !

Oeil stérile comme le suicide,
Nous sommes le congrès des las, préside ;

Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;

O pilule des léthargies finales,
Infuse-toi dans nos durs encéphales !

O Diane à la chlamyde très-dorique,
L’Amour cuve, prend ton carquois et pique

Ah ! d’un trait inoculant l’être aptère,
Les coeurs de bonne volonté sur terre !

Astre lavé par d’inouïs déluges,
Qu’un de tes chastes rayons fébrifuges,

Ce soir, pour inonder mes draps, dévie,
Que je m’y lave les mains de la vie !

Jules Laforgue

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4 commentaires sur “Clair de lune”

  1. MARC BEDJAI

    dit :

    Jules Laforgue, né le 16 août 1860 à Montevideo est mort bien jeune pour notre plus grand désespoir le 20 août 1887 à Paris. Quel coup dans l’épigastre ce Clair de lune qui illustre si bien une virtuosité poétique surréaliste époustouflante, souvent audacieuse dans sa désinvolture inventive ! Et puis ici et là toujours une image érotique évocative :

    O Diane à la chlamyde très dorique
    L’amour cuve
    comme avec ces Voluptantes ou ces Paranymphes
    COMPLAINTE DES VOIX
    SOUS LE FIGUIER BOUDHIQUE
    LES COMMUNIANTES
    Ah ! ah !
    Il neige des hosties
    De soie, anéanties !
    Ah ! ah !
    Alléluia !
    LES VOLUPTANTES
    La lune en son halo ravagé n’est qu’un œil
    Mangé de mouches, tout rayonnant des grands deuils.

    Vitraux mûrs, déshérités, flagellés d’aurores,
    Les Yeux Promis sont plus dans les grands deuils encore.
    LES PARANYMPHES
    Les concetti du crépuscule
    Frisaient les bouquets de nos seins ;
    Son haleine encore y circule,
    Et, leur félinant le satin,
    Fait s’y pâmer deux renoncules.

    Devant ce Maître Hypnotiseur,
    Expirent leurs frou-frou poseurs ;
    Elles crispent leurs étamines,
    Et se rinfiltrent leurs parfums

  2. Liloup64

    dit :

    Tout simplement merveilleux.

  3. Gogo

    dit :

    Wonderfull 😀

  4. Florie

    dit :

    MAGNIFIQUE <3! J’adore ton poème!!

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